Prison pour les meneurs du mouvement social, la défense dénonce
Six dirigeants du mouvement de protestation sociale dans la région minière de Gafsa (350 km de Tunis) ont été condamnés à dix ans de prison ferme par un tribunal de première instance de cette ville du sud-ouest tunisien, à l’issue d’un procès dénoncé par la défense.
Ce tribunal a rendu son verdict dans la nuit de jeudi à vendredi à l’issue d’une audience mouvementée au procès de trente-huit Tunisiens poursuivis pour leur implication dans les troubles ayant nécessité une intervention de l’armée suite à la mort par balles le 6 juin d’un manifestant à Redeyef, principal théâtre des manifestations sociales sur fond de chômage.
Selon le verdict annoncé par une source judiciaire à Tunis, le tribunal a « décidé la relaxe de cinq des prévenus, condamnant les autres à des peines allant de deux ans d’emprisonnement avec sursis à dix ans d’emprisonnement ferme ».
Les prévenus ont été reconnus coupables « d’entente criminelle portant atteinte aux personnes et aux biens et rébellion armée commise par plus de dix personnes au cours de laquelle des voies de faits ont été exercées sur des fonctionnaires dans l’exercice de leur fonction », a-t-on indiqué de source judiciaire.
Il leur a été reproché « d’avoir pris la tête de manifestations portant atteinte à l’ordre public, lors desquelles des jets de pierres, des cocktails Molotov étaient lancés contre les forces de l’ordre », selon l’accusation.
Le porte-parole du mouvement Adnane Hajji et cinq de ses co-accusés ont écopé de la peine maximale, alors que Mohieddine Cherbib, coordinateur d’un comité de soutien des habitants de Gafsa en France, a été condamné par défaut à deux ans de prison, a-t-on appris auprès de le défense.
L’opposant Fahem Boukaddous, correspondant de la chaîne dissidente Al-Hiwar émettant depuis l’Italie, a été condamné, lui aussi, par défaut à six ans de prison, selon les avocats joints par téléphone à Gafsa.
Des avocats ont dénoncé le déroulement du procès qualifié de « parodie de justice ». « C’est un scandale, les prévenus n’ont pas été interrogés et les avocats n’ont pas plaidé, le verdict a été prononcé à la sauvette au milieu d’une salle remplie de policiers », a déclaré à l’AFP Me Mokhtar Trifi, président de la Ligue de défense des droits de l’Homme.
Selon un autre avocat, Me Chokri Belaid, « les prévenus ont été molestés et évacués de la salle, l’audience à été interrompue pendant plusieurs heures avant une annonce surprise et irrégulière du verdict en pleine nuit ».
L’audience a été marquée par un incident entre le président du tribunal et la défense qui a exigé une réponse à ses demandes préliminaires portant sur la citation de témoins et des expertises médicales pour des détenus se disant victimes de torture.
Selon la source judiciaire, « certains des avocats de la défense ont affiché leur hostilité au respect de la procédure (. . . ), s’opposant à la poursuite normale de l’examen du dossier ».
Ils ont appelé « leurs clients à refuser tout interrogatoire, se limitant par la même à la présentation de demandes formelles pour un nouveau report de l’affaire et à la demande d’audition de témoins », a ajouté cette source.
« Le tribunal a dû alors renvoyer l’affaire en délibéré » avant de rendre son verdict, a indiqué la même source, rappelant que la loi permet aux prévenus de faire appel des condamnations prononcées.
Ce procès ouvert le 4 décembre a été suivi jeudi par des dizaines d’avocats et d’observateurs, dont deux avocats et deux syndicalistes de France.
Le mouvement de protestation a donné lieu durant plusieurs mois à des manifestations sporadiques dans la région minière de Gafsa, dénonçant le chômage, le coût de la vie, la corruption et le népotisme.
Il avait été déclenché en janvier 2008 par le trucage d’un concours d’embauche à la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), premier employeur de la région au taux de chômage très élevé.
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