Mourir en donnant la vie, un risque très élevé

Transférée à l’hôpital de Garnga (centre) après un accouchement difficile à domicile, Patricia, 21 ans, a échappé à la mort en couches qui frappe près de 1. 000 femmes sur 100. 000 au Liberia, où le taux de mortalité maternelle est l’un des plus élevé au monde.

Publié le 9 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

« C’est son premier enfant et elle a perdu trop de sang », explique sa mère, Rose Soko, serrant le nouveau-né dans ses bras. « Tellement de femmes de ma famille sont mortes comme cela ».

Patricia a eu la chance de pouvoir être hospitalisée à temps, alors que beaucoup de femmes succombent à une hémorragie avant ou pendant leur transfert vers l’hôpital de Phebe, le seul du comté de Bong.

la suite après cette publicité

« La plupart des femmes, en particulier dans les zones rurales, accouchent chez elles avec des matrones car elles sont effrayées par les structures de santé qui sont parfois situées, en plus, à sept ou huit heures de marche », souligne Willema, sage-femme au centre de santé CB Dunbar, à Gbarnga (170 km au nord-est de Monrovia).

« Certaines veulent aussi respecter ce que leur famille décide, en fonction de leurs croyances, mais elles ne se rendent pas compte qu’elles risquent leur vie », ajoute-t-elle.

Selon les chiffres du ministère libérien de la Santé, qui a fait de cette question une priorité, la mortalité maternelle a même augmenté fortement depuis la période de la guerre civile (1989-2003).

En 1999, 578 femmes trouvaient la mort pour 100. 000 qui avaient accouché mais en 2007, ce taux a atteint 994 décès pour 100. 000 soit un indicateur particulièrement élevé, même comparé à d’autres pays africains comme la Guinée Conakry voisine (528).

la suite après cette publicité

« Cette augmentation paraît énorme et peut être imputée à la pénurie de sages-femmes formées et à des retards dans les transferts vers un centre de soins lorsqu’il y a un problème pendant un accouchement traditionnel », explique à l’AFP Sybille Jaloux, sage-femme à Médecins du Monde (MDM).

Selon le ministère de la Santé, il y a actuellement moins de 400 sages-femmes formées dans le pays de 3,5 millions d’habitants alors qu’il en faudrait au moins 1. 600.

la suite après cette publicité

« Les sages-femmes certifiées, qui suivent une formation de deux ans, sont déconsidérées car elles sont payées moins que les infirmières (140 contre 168 dollars) », déplore Abraham Taryor, responsable du centre de CB Dunbar. « Cela ne contribue pas à créer des vocation ».

Ainsi les femmes accouchent à 85% dans leur communauté avec des matrones mais ces dernières ne sont pas en mesure de détecter et de traiter les complications et transfèrent tardivement leur patiente vers une structure de santé « au bout de deux soleils qui se lèvent », souligne Sybille Jaloux, qui forme actuellement des accoucheuses traditionnelles du comté du Bong (nord).

Les causes de mortalité maternelle les plus importantes sont notamment l’hémorragie de la délivrance et le travail laborieux, c’est-à-dire quand le bébé est trop gros par rapport au bassin, ce qui peut se résoudre par une césarienne pratiquée uniquement dans les hôpitaux au Liberia.

« Les femmes succombent également couramment à des infections et septicémie par manque d’hygiène lors des accouchements à domicile, ce qui peut être traité par une injection d’antibiotique mais n’est souvent pas repéré par une matrone, ou encore à une éclampsie » (syndrome convulsif grave) », souligne Mme Jaloux

Les complications mortelles d’avortements clandestins provoqués par des herbes ou des objets pointus non stérilisés sont également très élevées, ajoute-t-elle.

Au Liberia, l’avortement est illégal et très mal considéré aussi bien par les animistes, les chrétiens que les musulmans, alors que le viol est très répandu. Les femmes ont des grossesses parfois dès 12 ans et portent en moyenne six enfants, dans ce pays ouest-africain où l’espérance de vie est de 41 ans, l’une des plus faibles au monde.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires