Un jeune Congolais miraculeusement sauvé grâce à une amputation par SMS

Janvier est un miraculé de la guerre congolaise. Le bras infecté par la gangrène, l’adolescent a été sauvé grâce à une délicate amputation pratiquée par un chirurgien de Médecins sans frontières (MSF) qui a reçu ses instructions par SMS sur son téléphone portable.

Publié le 7 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

« J’étais parti aux champs près du village », raconte Janvier Batumenyero, 16 ans, dont la famille vit près de Nyanzale, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), où s’affrontent l’armée régulière et la rébellion.

« Les militaires ont tiré des bombes », raconte le jeune homme d’une voix monocorde, le col étiré de son tee-shirt laissant entrevoir un large pansement à la place de son épaule gauche. « Ce n’est pas moi qu’ils visaient, mais j’ai été blessé », explique-t-il timidement.

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Le bras mutilé, le garçon se traîne jusqu’au centre de santé le plus proche, d’où il est évacué par voiture jusqu’à l’hôpital de Rutshuru, à une soixantaine de km, géré par l’organisation humanitaire MSF.

« Il était blessé par balle au bras gauche, avec une fracture de l’humérus et une plaie vasculaire », se souvient Paul Kanulambi, anesthésiste congolais qui a participé à l’intervention. « Nous avons procédé à une première amputation au niveau de l’humérus, mais l’artère a continué à pourrir. Tout était infecté. Il allait mourir de la gangrène », explique M. Kanulambi.

Une semaine plus tard, le 7 octobre, « nous avons décidé de faire une amputation de toute la ceinture scapulaire, en enlevant la clavicule et l’omoplate ». « C’est une intervention délicate, très hémorragique, pratiquée sous anesthésie générale et avec intubation », souligne le spécialiste.

Volontaire de MSF, arrivé quelques jours auparavant à Rutshuru, David Nott est le chirurgien britannique chargé de l’opération. « Je n’avais jamais pratiqué une telle intervention, même si j’y avais assisté », se souvient M. Nott, interrogé en Grande-Bretagne par l’AFP au téléphone depuis Rutshuru. Les chances de survie de Janvier étaient d’à peine 20%, estime-t-il.

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« J’ai envoyé un texto à un ami chirurgien à Londres », qui « m’a répondu par un très long texto, en décrivant chaque étape », poursuit M. Nott. « 24 heures plus tard, mon ami m’a envoyé un autre message, avant que je ne commence à opérer ». L’intervention a duré près de trois heures, et s’est finalement déroulée sans incident. La performance n’a pourtant rien d’exceptionnelle pour les personnels de MSF, sans cesse confrontés aux cas les plus dramatiques.

« Il est déjà arrivé que des médecins appellent Paris au téléphone avant des interventions difficiles », explique Richard Kojan, autre anesthésiste. « Nous pratiquons la chirurgie de guerre, qui va très vite aux extrêmes ». Quand les combats font rage dans la région, les deux chirurgiens de l’hopital opèrent jusqu’à vingt fois par jour, et au moins dix fois en période de calme, ne pratiquant que la chirurgie d’urgence.

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Avec notamment un service de médecine interne, de pédiatrie, une maternité, l’hôpital de Rutshuru compte 220 lits, dont 75 de chirurgie, occupés souvent à 130%, détaille Michelle Van den Bergh, responsable terrain pour MSF. « Les soins sont gratuits, on soigne tout le monde, civils et militaires »: 8. 202 patients y ont été admis entre janvier et octobre, dont 427 blessés de guerre. Sur cette période, les chirurgiens de MSF ont pratiqué 3. 234 opérations.

Après un mois de convalescence dans un centre de santé, loin de l’agitation de l’hôpital, Janvier a retrouvé le sourire, et se prépare maintenant à rentrer chez lui.

Privé de son bras gauche et d’une partie de son épaule, il n’aime guère évoquer les souffrances traversées, se souciant surtout du sort de sa famille, dont il est sans nouvelle. « Je suis très heureux de le savoir en vie », se réjouit pour sa part M. Nott. « C’est une formidable nouvelle ».

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