La force antipiraterie de l’UE en Somalie ne s’attaquera pas aux causes du fléau
La force navale antipiraterie de l’Union européenne (UE) qui débute ses opérations lundi au large de la Somalie va devoir régler en mer un fléau dont la cause profonde réside dans le chaos d’un pays en guerre civile depuis 1991.
« La lutte contre la piraterie se termine toujours à terre », expliquait récemment à l’AFP le vice-amiral Gérard Valin, commandant de la flotte française dans l’océan Indien, ajoutant: « il faut tout faire pour que la Somalie arrête d’être un Etat en faillite et qu’ils (les dirigeants somaliens) soient capables de faire la loi chez eux ».
Hantés par les fiascos militaires des opérations des Etats-Unis et de l’ONU à Mogadiscio dans les années 90, les Occidentaux se gardent toutefois d’envisager une action terrestre d’envergure en Somalie.
L’opération Atalante est essentiellement chargée d’établir un « cordon sanitaire » au large du pays pour protéger une des principales routes du commerce maritime mondial.
La flottille de l’UE a une triple mission: escorter des bateaux de marine marchande et les navires du Programme alimentaire mondial (PAM) qui livrent une aide humanitaire en Somalie et mener des opérations de « contrôle de zone » avec l’appui d’avions de patrouille maritime.
Des bateaux de nombreux pays, dont des navires américains de la Task Force 150 d’appui aux opérations en Afghanistan, participent aussi à la sécurisation de la zone, mais leur rayon d’action est limité: chaque navire couvre à peine 1% de la zone dangereuse, évaluée à 2,1 millions de km2.
Se présentant comme des « protecteurs » des eaux somaliennes contre la pêche illégale et le déversement de déchets toxiques, les pirates somaliens affirment que la force européenne « ne sera pas tolérée », même si leurs petites embarcations rapides ne peuvent s’attaquer à des navires de guerre.
« Je suis sûr qu’ils vont tuer illégalement de nombreux pêcheurs somaliens et cela ne sera pas toléré », a assuré à l’AFP le chef d’une des bandes pirates, Mohamed Said, qui détient la plus grosse prise des bandits des mers, le surperpétrolier saoudien Sirius Star, chargé de 300. 000 tonnes de brut.
« La présence des navires de guerre européens va saper la volonté des Somaliens de protéger leurs ressources naturelles », a-t-il affirmé, en accusant les Européens d’être les principaux responsables du déversement de déchets dans les eaux somaliennes.
L’argument sert aux pirates pour justifier leurs attaques et exiger des rançons qui leur permettent de s’enrichir dans un pays ruiné par la guerre.
Selon le Bureau maritime international (BMI), ils ont capturé depuis début 2008 une centaine de navires, dont au moins 17 qu’ils retiennent toujours dans leurs repaires où ils jouissent jusque présent d’une totale impunité.
Aussi, pour faire diminuer les attaques, il faut travailler « à la fois (sur) le pilier militaire (. . . ) mais aussi (sur) le pilier diplomatique pour résoudre le problème à terre dont la piraterie n’est que le bouton de fièvre », jugeait fin novembre Anne-Sophie Avé, déléguée générale d’Armateurs de France.
C’est également ce que demandent les pays voisins de la Somalie et l’Union africaine, qui a déployé à Mogadiscio une force de paix, cible régulière d’attaques des insurgés islamistes.
La multiplication des actes de piraterie est le révélateur de « la détérioration de la situation » en Somalie, relève l’UA selon qui la véritable solution passe par la fin de la guerre, impossible sans « le déploiement rapide d’une force de paix de l’ONU » à terre.
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