Face au rejet international, la junte s’affiche proche du peuple

Le général Abdel Aziz, aux commandes de la Mauritanie depuis le coup d’Etat mené il y a quatre mois, recherche le soutien des populations en affichant une politique de proximité favorable aux pauvres, que le Front anti-putsch dénonce comme un « populisme éhonté ».

Le chef de l’Etat mauritanien renversé le 6 août, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et son épouse

Le chef de l’Etat mauritanien renversé le 6 août, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, et son épouse

Publié le 5 décembre 2008 Lecture : 3 minutes.

Une délégation de la communauté internationale est attendue samedi à Nouakchott pour donner une nouvelle chance à la négociation, avant d’envisager des sanctions contre les auteurs du coup d’Etat du 6 août.

Mais depuis quatre mois, le chef de la junte ne fait pas grand cas, officiellement, des condamnations extérieures.

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Il multiplie plutôt les visites dans les banlieues déshéritées de Nouakchott et les régions intérieures, et y annonce le lancement de chantiers « sur financement propre de l’Etat » pour répondre aux « besoins essentiels des populations ».

Mercredi, Mohamed Ould Abdel Aziz s’est ainsi déplacé dans la ville de Tintane (740 km à l’est de Nouakchott), victime de graves inondations en 2007, y ordonnant le pompage des eaux stagnantes et la reconstruction de tronçons de route abîmés, avec la promesse de « protéger les quartiers inondés ».

De quoi rallier des soutiens au pouvoir: « C’est un homme qui sait répondre aux attentes, qui nous a parlé notre langage », a affirmé à l’AFP Cherif Ahmed, commerçant ayant perdu beaucoup de ses biens dans les inondations.

Dans un quartier pauvre de la capitale, le général affirmait quelques semaines plus tôt: « Tous les problèmes du pays sont dus à la gabegie et la mauvaise gestion. Nous éradiquerons ce fléau pour le bien de notre peuple ».

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« Je le crois de bonne volonté parce qu’il est allé dans des quartiers où aucun dirigeant n’était allé. Nous l’avons vu à la télévision. . . « , jugeait récemment une femme de 23 ans interrogée par l’AFP dans un restaurant huppé de Nouakchott.

Les déplacements du président du Haut conseil d’Etat (HCE), militaire portant la moustache et une tenue civile sombre, sont systématiquement suivis par les médias d’Etat.

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Et, à chaque discours, le général attaque les 15 mois de gestion du chef de l’Etat Sidi Ould Cheikh Abdallahi, dont il avait activement soutenu la candidature en mars 2007 avant de le renverser le 6 août 2008. Il le présente comme « l’ancien président rêvant d’être encore président », dont « l’histoire retiendra qu’il était le dernier dictateur à avoir détruit le pays ».

Maintenu en résidence surveillée dans son village natal, le président « Sidi » n’a, lui, plus aucun accès à la télévision nationale mauritanienne.

C’est à travers la chaîne satellitaire Al-Arabiya qu’il s’est adressé, le 20 novembre, à ses concitoyens, sollicitant leur « concours » pour « la mise en échec du coup d’Etat ». Les putschistes ont « érigé l’intimidation et la corruption en style de gouvernement », a-t-il accusé.

Pour le Front national de défense de la démocratie (FNDD), les actions et discours du général Ould Abdel Aziz « relèvent d’un populisme éhonté et comportent des risques graves pour l’avenir du pays ».

Cette coalition de partis anti-putsch, dont la mobilisation est freinée par l’interdiction de toute manifestation de rue, s’inquiète de la « chasse aux sorcières » qui « cible », selon elle, ses militants.

Renversé le 6 août, le Premier ministre Yahya Ould Ahmed Waghf se retrouve déjà en détention. Notamment « accusé d’avoir manigancé la faillite » d’Air Mauritanie qu’il avait dirigée (2004-2006), il a été écroué le 20 novembre.

Egalement en prison: Isselmou Ould Abdel Kader, deux fois ministre sous le régime de Maaouiya Ould Taya (1984-2005), très critique envers les putschistes. Il a été inculpé fin octobre pour « entreprise de démoralisation de l’armée ».

Pour le FNDD, cependant, les militaires « n’ont aucune assise solide »: « C’est du trompe l’oeil », affirme le militant Aly Fall, sûr qu’ »ils ne pourront pas résister longtemps à la pression qui s’exerce sur eux ».

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