Au Cameroun, la corruption handicape l’agriculture

La corruption, qui handicape lourdement le développement de l’agriculture au Cameroun, est au coeur d’une campagne lancée par une ONG, l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic).

Publié le 5 décembre 2008 Lecture : 2 minutes.

Alors que l’agriculture, qui emploie 70% de la population active, est en difficulté, les rares financements qui lui sont consacrés sont détournés, assure l’association.

En 2008, 1,8 million d’euros a été débloqué dans le cadre d’un « Programme maïs », pour subventionner des Groupes d’initiatives communes (GIC) constitués par des paysans. Mais, selon une étude de l’Acdic, 62% de cette aide a été détournée vers des GIC fictifs montés par des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture.

la suite après cette publicité

Pendant ce temps, la production nationale de maïs peine à satisfaire la demande: « De 60. 000 tonnes en 2008, le déficit (pour la consommation) est estimé à 120. 000 tonnes pour 2009 », s’alarme-t-elle, craignant « une crise du maïs ».

En un an, le prix du kilo de maïs est ainsi passé de 70 à 195 FCFA (11 à 29 centimes d’euros). « Si rien n’est fait, le Cameroun vivra une crise sévère du maïs », souligne l’ONG, dont l’étude a fait l’effet d’une bombe au ministère de l’Agriculture.

Le directeur du « Programme maïs » Paul Sikapin se déclare « d’accord sur l’état des lieux » exposé dans l’étude, « sur le problème de l’offre et la demande de maïs », mais il ajoute: « S’il y a des problèmes au niveau des GIC, c’est sur le terrain qu’ils se situent, au niveau des commissions paritaires qui les sélectionnent ».

A travers son rapport, l’Acdic vise l’ensemble du ministère. « Le système de détournements des fonds du +Programme maïs+ n’est qu’un petit exemple de ce qui se passe pour l’ensemble des programmes » du département, selon le président de l’Association, Bernard Njonga.

la suite après cette publicité

Jean-Georges Etélé, producteur de la région de Yaoundé, témoigne: « A chaque fois qu’un programme du ministère vient s’implanter quelque part, il met en place ses propres GIC, ce qui déstabilise (ceux) des paysans. A la fin du programme, ces GIC disparaissent ».

Ce que dénonce l’Acdic, « nous le vivons depuis longtemps et nous voyons parfois même pire. Mais, nous, producteurs, n’avons pas les moyens de l’exprimer à haute voix. Nous subissons seulement », poursuit-il.

la suite après cette publicité

Une autre enquête a permis à l’Acdic de découvrir que 60 tracteurs donnés en 2006 par l’Inde dans le cadre d’un accord de coopération ont été détournés de leur objectif initial.

Selon l’ONG, 32 de ces tracteurs ont en réalité été offerts à des ministres ne possédant pas de champ pour la moitié, 17 à des députés ou responsables de l’administration et de l’armée. La plupart des engins n’ont jamais été utilisés.

« Tant que ce problème (de mauvaise gouvernance) ne sera pas résolu, les autorités nous auront sur le dos! », prévient Bernard Njonga, en soulignant une volonté des pouvoirs publics d’accorder des financements au monde rural qui ne soient pas gaspillés.

Malgré un fort potentiel agricole (moins de 20% des terres arables sont actuellement cultivées), le Cameroun est devenu ces dernières années un important importateur de produits alimentaires de l’ordre de 270 milliards de francs CFA (412 millions d’euros) par an, selon des ONG.

Ce manque de performances a des conséquences. La hausse du prix des denrées a entraîné fin février un mouvement social de grande ampleur au cours duquel au moins 40 personnes ont été tuées dans des affrontements avec les forces de l’ordre.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires