Angolagate: un ancien secrétaire général de l’ONU au secours de Marchiani
Pierre Falcone et Jean-Charles Marchiani ont tenté mercredi de convaincre le tribunal de l’Angolagate que les millions de dollars ayant transité sur leurs comptes n’avaient rien à voir avec des pots-de-vin mais étaient destinés à financer les efforts de paix en Angola, ravagé par la guerre civile.
L’ex-préfet du Var a bénéficié d’un appui prestigieux: l’ancien secrétaire général de l’ONU, Boutros Boutros-Ghali, qui a écrit le 30 octobre une lettre lue à l’audience par son avocat, Me Tremolet de Villers.
"Le préfet Marchiani, sous l’autorité de mon représentant (local), a contribué avec succès en 1993 et 1994, aux accords de Lusaka", qui ont scellé en novembre 1994 un fragile cessez-le-feu entre le président angolais Jose Eduardo Dos Santos et les rebelles de l’Unita.
"A l’époque, je l’ai félicité", souligne M. Boutros-Ghali, accréditant la version de l’ancien agent secret qui affirme avoir été investi d’une "mission" par l’ONU, même si l’ancien responsable de l’organisation internationale ne parle pas du tout d’argent.
Car le tribunal s’intéressait à un des comptes suisses de Marchiani, alimenté, via celui d’un de ses amis, par une société de Pierre Falcone.
Pour l’accusation, Pierre Falcone distribuait des pots-de-vin à Jean-Charles Marchiani parce que ce dernier, avec Charles Pasqua dont il était le bras droit, facilitait son commerce d’armes de guerre vers l’Angola.
Lors de l’enquête, Yves Manuel, l’homme sur les comptes duquel l’argent transitait, n’avait pas été tendre pour MM. Marchiani et Falcone, les accusant de "s’être bien moqués" de lui en lui faisant croire qu’il s’agissait de financer une opération "humanitaire".
Il avait expliqué avoir conclu un accord avec ses deux "amis" pour servir d’écran à leurs mouvements financiers. Mais, gravement malade aujourd’hui selon son avocat, il n’a pu s’expliquer devant les juges.
Ces fonds, assure M. Falcone, venaient "du gouvernement de Luanda qui n’a jamais renoncé à chercher une solution pacifique au conflit" l’opposant alors aux rebelles de l’Unita.
Et d’expliquer que tout avait commencé avec une mission de bons offices effectuée par le dictateur zaïrois Mobutu, qu’il avait rencontré en 1995 dans son pays, aujourd’hui la République démocratique du Congo.
"C’est le président Mobutu qui m’a donné les coordonnées bancaires de M. Manuel", l’argent versé devant in fine servir à M. Marchiani "pour assurer la logistique des rencontres entre le MPLA du président Dos Santos et l’Unita".
"M. Mobutu connaissait M. Manuel ?", s’étonne le président Jean-Baptiste Parlos.
"Non, c’est M. Marchiani qui lui avait donné ses coordonnées".
"Il fallait un système qui garantisse l’anonymat. Il ne fallait pas qu’on puisse soupçonner que les Angolais donnaient de l’argent à l’Unita", explique M. Marchiani.
Le procureur s’étonne que son compte, soi-disant réservé à cette mission, soit un compte personnel, "géré comme un bon père de famille", sur lequel sa femme et ses enfants avaient procuration.
Un compte officiel était impossible, dit l’ancien préfet : "admettons qu’il y ait eu une bavure, où aurait été le fusible ? On aurait dit que la France négociait avec l’Unita".
Celui qui a mené les opérations secrètes ayant permis la libération des otages du Liban en 1988, se défend de tout intérêt personnel :"tout ce que je faisais à l’époque, c’était bénévole. On ne m’a jamais payé pour effectuer ces missions !"
En attendant la prochaine audience lundi, il retournera dans sa cellule de la prison de La Santé, où il purge deux peines de prison ferme de 1 et 3 ans pour corruption.
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