Une armée très « politisée » et difficile à réformer

En Guinée-Bissau, petit pays d’Afrique de l’Ouest fragilisé par le trafic de cocaïne sud-américaine, l’armée constitue l’ossature de l’Etat et en même temps un facteur d’instabilité permanent en raison de sa politisation et de son refus à accepter des réformes.

Publié le 26 novembre 2008 Lecture : 2 minutes.

L’attaque dimanche par des militaires mutins de la résidence du président Joao Bernardo Vieira n’est que le dernier exemple d’une série de coups d’Etat, tentatives de coups de force et mutineries qui ont ponctué l’histoire de cette ex-colonie portugaise depuis son indépendance en 1974.

« La Guinée-Bissau n’a pas d’armée. Elle a des militants armés. L’armée est complètement politisée. La confrontation militaire est la continuation naturelle de la politique », affirme Idrissa Djalo, chef du Parti de l’unité nationale (PUN, opposition).

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« L’armée a toujours été un instrument politique avant et après la lutte de libération », menée par le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, PAIGC, explique le politologue Fafaly Koudawo.

« Elle se sent investie de cette légitimité pour avoir joué un rôle décisif dans la naissance de l’Etat bissau-guinéen » après une longue lutte armée contre le colon portugais, poursuit-il.

L’attaque de dimanche, dont les motivations demeurent encore floues mais qui a fait un mort et plusieurs blessés, a relancé les interrogations sur le rôle des militaires dans la vie politique du pays.

Cette attaque est le fait de « quelques militaires » et « l’armée est dans l’ensemble vraiment engagée dans un processus de consolidation des institutions de l’Etat », juge pourtant le bureau de l’ONU en Guinée-Bissau (Unogbis).

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Mais l’ONG International Crisis Group (ICG) évoquait en juillet dans un rapport une « difficile réforme de l’armée » dont « l’enjeu principal est réellement de libérer le système politique du joug des militaires afin que les institutions démocratiques puissent commencer à fonctionner librement ».

Cette réforme de l’armée, confrontée à « des bas salaires, des casernes en mauvais état, une ration (alimentaire) pas variée et un équipement pauvre », selon le politologue Fafaly Koudawo, vise notamment à réduire les effectifs et à réinsérer les démobilisés.

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A ce titre, l’évaluation des effectifs est tout aussi cruciale que difficile. Selon l’ONU, « les forces armées et de sécurité de la Guinée-Bissau comptent un nombre élevé de militaires » par rapport aux moyens de l’Etat.

« Le nombre de militaires actifs (en Guinée-Bissau) est de 4. 458, soit un ratio de 2,73 militaires par 1. 000 habitants », sur une population de quelque 1,6 million d’habitants, selon un rapport de l’ONU datée du mois d’avril. La moyenne régionale est de 1,23 soldat pour 1. 000.

« Chez les militaires, il y avait un intérêt à laisser croire que l’armée était plus importante pour garder ce poids » sur la vie politique et faire également monter l’aide financière associée à la réforme, souligne Emmanuelle Bernard, analyste au bureau ouest-africain de ICG, actuellement à Bissau.

Selon M. Koudawo, « trois tentatives de réforme de l’armée dans les années 70, 80 et 90 n’ont pas abouti. Les indemnités n’étaient pas jugées suffisamment incitatives » pour la démobilisation, surtout des « anciens combattants, la catégorie la plus sensible » en raison de sa légitimité historique.

Cette armée est en outre confrontée à des clivages ethniques. L’ethnie balante, une des plus importantes du pays, est très présente dans l’élite notamment, selon des spécialistes.

De plus certains militaires sont impliqués dans le trafic de cocaïne et sont donc opposés « à une réforme qui les mettrait à la retraite et les empêcherait de continuer à faire des bénéfices liés au trafic », selon ICG.

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