Cameroun, Tchad, Niger, Bénin : ces pays sous la menace de Boko Haram
Le groupe jihadiste Boko Haram fait régner violence et terreur dans le nord-est du Nigeria depuis 2009. Désormais, il menace aussi directement les pays voisins : Cameroun, Tchad, Niger et Bénin.
"Il faut être très vigilant. Nous sommes face à une menace qui se ‘régionalise’ et qui est en train de prendre une autre dimension". Cette analyse inquiétante, fournie par un haut diplomate occidental, résume les inquiètudes actuelles des pays frontaliers du Nigeria. L’ombre terroriste et obscurantiste de Boko Haram déborde, depuis plusieurs années déjà, hors de son fief du nord-est nigérian. Mais le récent enlèvement de plus de 200 lycéennes, à Chibok, mi-avril, a déclenché une vague d’indignation mondiale sans précédent et a fait prendre conscience à la communautée internationale de l’ampleur du danger que représente l’organisation terroriste d’Abubakar Shekau.
Conséquence de cet inquiétant – mais tardif – constat, un mini-sommet regroupant les chefs d’État du Nigeria, du Cameroun, du Tchad, du Niger et du Bénin va être organisé samedi 17 mai à Paris pour tenter de renforcer la coopération sécuritaire régionale. Directement touchés ou "simple" voisin géographique, ces pays frontaliers sont tous, de près ou de loin, sous la menace de Boko Haram.
- Cameroun
Des quatre pays limitrophes du Nigeria, le Cameroun est sans aucun doute le plus exposé aux incursions de Boko Haram. Outre les différents enlèvements de ressortissants occidentaux dans l’extrême-nord du pays, les forces de sécurité camerounaises ont récemment essuyé plusieurs attaques sanglantes menées par des islamistes armés. La dernière, dans la nuit du 4 au 5 mai contre une brigade de gendarmerie de Kousseri, en face de N’Djamena, a fait deux morts.
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Les autorités camerounaises prennent désormais la menace très au sérieux. Elles reconnaissent ouvertement l’infiltration de membres de Boko Haram sur leur territoire et évoquent des complicités locales grandissantes. Face à ce phénomène préoccupant, les patrouilles militaires et celles du Bataillon d’intervention rapide (BIR) le long de la poreuse frontière nigériane ont été renforcées. Le département du Logone et Chari, septentrion camerounais coincé entre le Nigeria et le Tchad, concentre toutes les attentions. C’est dans cette zone qu’ont régulièrement lieu des enlèvements ou des assauts menés par des combattants présumés de Boko Haram.
Le groupe islamiste nigérian a par ailleurs menacé de mener plusieurs attaques contre les intérêts camerounais à l’occasion de la fête nationale du 20 mai. Une vigilance accrue a donc été demandée aux préfets et aux responsables sécuritaires du nord du pays. À Maroua, par exemple, un dispositif de surveillance devrait être mis en place 48 heures avant le début des festivités.
- Tchad
Réputé pour leur armée aguerrie et leurs services de sécurité compétents, les Tchadiens n’ont jusqu’à présent – du moins officiellement – pas subi d’attaques majeures de Boko Haram. Ces derniers temps, les forces de sécurité seraient particulièrement vigilantes face à la menace du groupe terroriste nigérian. "Même si cela fait longtemps qu’ils ont bétonné les zones frontalières, ils sont vraiment sur les dents en ce moment", confie ainsi un journaliste de N’Djamena.
Des contrôles informatisés ont été mis en place dans les postes frontières bordant le Cameroun et des fouilles systématiques sont effectués sur chaque nouvelle personne ou véhicule pénétrant en territoire tchadien. Le Lac Tchad, seule zone frontalière avec le Nigeria, est aussi étroitement surveillé. Des vedettes y patrouillent quotidiennement et ses petites îles sont contrôlées. Pour contrer Boko Haram, les services tchadiens s’appuient également sur le renseignement et s’informent auprès des chefs tribaux locaux, surveillant au passage de près les milliers de réfugiés nigérians installés dans le pays.
Toutes ces mesures n’empêchent toutefois pas des éléments islamistes liés à Boko Haram d’être présents de manière résiduelle au Tchad. Certains seraient Tchadiens, donc à domicile, tandis que d’autres auraient réussi à entrer illégalement dans le pays.
- Niger
Le Niger, frontalier du nord-est du Nigeria, fief de Boko Haram, est quotidiennement confronté à d’éventuelles incursions du groupe terroriste sur son sol. La région de Diffa, proche du Lac Tchad, est particulièrement exposée. Environ 40 000 personnes fuyant les combats au Nigeria s’y sont réfugiées ces derniers mois. Parmi elles se trouvent des Nigérians mais aussi de nombreux Nigériens qui étaient établis de l’autre côté de la frontière. Selon une source humanitaire, des éléments de Boko Haram ainsi que des imams radicaux en feraient également partie.
Le 6 mai, des affrontements y ont opposés les forces de sécurité nigériennes et des hommes armés à motos dont l’identité exacte reste à déterminer. Après avoir évoqué des combattants de Boko Haram, le gouverneur local, tancé par des responsables du ministère de la Défense, est revenu sur ses propos. Au sommet de l’État nigérien, les versions différent également d’un ministre à l’autre, l’un parlant de "membres de Boko Haram" tandis qu’un second les qualifie de "coupeurs de routes organisés". Quoi qu’il en soit, c’est la première fois qu’un accrochage de ce genre a lieu dans ce secteur.
Selon les autorités nigériennes, la surveillance des 1 500 kilomètres de frontière avec le Nigeria n’a pas été renforcée ces dernières semaines. Depuis trois ans, celle-ci est permanente et menée en coopération avec les forces nigérianes. "Notre dispositif de surveillance est opérationnel, discret, et efficace, affirme Hassoumi Massaoudou, ministre nigérien de l’Intérieur. C’est pour cela que nous n’avons pas de ‘menace Boko Haram’ au Niger et qu’elle est surtout centrée sur le Nigeria". Ces propos méritent toutefois d’être nuancés, le ministre reconnaissant lui-même que des tentatives d’infiltrations au Niger ont régulièrement lieu et que des arrestations d’islamistes présumés sont "fréquentes".
>> Lire aussi : le Niger, sa politique de sécurité, ses voisins
- Bénin
Malgré ses 700 kilomètres de frontière commune avec le Nigeria, le Bénin fait figure de voisin le moins inquiété par Boko Haram. Si la menace sécuritaire ne semble pas directe, la présence islamiste se fait pourtant sentir. À Malanville, dans l’extrême nord du pays, près du Niger et du Nigeria, la récente augmentation du nombre de madrasas (écoles coraniques) inquièteraient de plus en plus les responsables locaux, qui craignent une tentative d’endoctrinement des plus jeunes.
Sur le plan sécuritaire, le récent kidnapping des lycéennes nigérianes n’a pas poussé les autorités béninoises à prendre des mesures particulières le long de leur frontière Est, pas plus qu’à faire des déclarations publiques sur le sujet. "C’est une erreur, souffle un observateur de la vie politique locale. Le problème arrive, mais les autorités ne s’en préoccupent pas, préférant comme d’habitude privilégier la réaction à la prévention." Enfin, de plus en plus de réfugiés nigérians afflueraient depuis début mai à Bantè, petit village du centre du pays.
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Benjamin Roger
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