Biennale de Dakar : quand l’art se joue des frontières

Les pavillons de l’Algérie et du Maroc se font face au sein de la Biennale des arts africains contemporains, qui se tient à Dakar depuis le 9 mai. L’occasion de reconstruire des ponts entre frères ennemis ?

Les pavillons marocain (à g.) et algérien à Dak’Art, le 13 mai 2014. © Nicolas Michel pour J.A.

Les pavillons marocain (à g.) et algérien à Dak’Art, le 13 mai 2014. © Nicolas Michel pour J.A.

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Publié le 13 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

Il a suffit de quelques pas – disons une trentaine – pour franchir sans encombre la frontière séparant le Maroc de l’Algérie. Sans passeport. Pas de douane, pas de fil de fer barbelé, pas de policiers, rien qui ne matérialise une séparation. Voilà bien la preuve que l’art et la culture peuvent accomplir des miracles.

À l’occasion de la onzième Biennale des arts africains contemporains de Dakar (Dak’Art) qui se tient au Sénégal jusqu’au 8 juin, les pavillons algériens et marocains sont installés face à face sur la place du souvenir, arrosée par les embruns de l’Océan atlantique. Deux bâtiments strictement identiques, offrant les mêmes espaces aux artistes sélectionnés par les deux pays pour exposer leurs œuvres. Directeur de la résidence I Fitry près d’Essaouira et secrétaire général de la Biennale de Casablanca, Mostapha Romli est le commissaire de l’exposition Abstractions légitimes qui rassemble plusieurs artistes africains, venus de différents pays, comme le burkinabé Saïdou Dicko, le Sénégalais Soly Cissé, le Congolais Aimé Mpane ou encore la Marocaine Malika Agueznay, auteur de superbes gaufrages sous presse en "calligraphie algue".

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Interrogé sur la proximité des deux pavillons, Romli affiche un large et chaleureux sourire : "Sincèrement, c’est toute une symbolique. Quand le secrétaire général du Dak’art, Babacar Diop, m’a annoncé, gêné, qu’il y avait de la place pour les deux pavillons mais qu’ils se faisaient face, j’ai dit "Super !". Et il m’a regardé avec des yeux ronds ! La politique, c’est une chose, l’art, c’est autre chose." Vraiment ? Les travaux présentés des deux côtés de la place du souvenir indiquent pourtant le contraire. "Non, en effet, il y a toujours de la politique dans l’art, poursuit Romli. Je parlais plutôt des politiciens…"

Des approches scénographiques différentes

Quoiqu’il en soit, les visiteurs ne marquent pas d’arrêt quand il s’agit de traverser les quelques mètres séparant les deux pavillons. "Je passe de l’un à l’autre sans problème, ajoute Romli. Ce d’autant que pour moi, le travail effectué par Mustapha Orif, le directeur de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel est un exemple exceptionnel dans le monde arabe. Même si l’AARC est une institution, ils ont réussi à garder une indépendance qui leur permet de compter sur la scène artistique."

Bien entendu, les deux pavillons offrent des approches artistiques et scénographiques différentes. Fidèles aux orientations diplomatiques du Royaume en direction des pays d’Afrique subsaharienne, les Marocains ont privilégié une vision kaléidoscopique instaurant un dialogue entre artistes marocains et artistes venus de autres pays du continent. Du côté d’Alger, le commissaire Mourad Krinah a choisi d’orienter ses choix vers la nouvelle scène artistique algérienne.

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S’il existe une frontière ténue entre les deux approches, elle est plutôt question d’ambiance, d’atmosphère, de ressenti, bref de choix esthétique. Qu’inspire à Abdelkader Damani, le commissaire (algérien) de la biennale de Dakar, cette intime proximité des deux pavillons ? "Rien, je ne vais pas me prononcer sur ça. Mais c’est une bonne nouvelle pour le Sénégal que de bénéficier de l’engagement de ces deux pays. D’autres nations du continent peuvent ainsi constater de fait l’aspect bénéfique de ce type d’événement culturel, et pas seulement pour les artistes."

Nicolas Michel, envoyé spécial à Dakar
 

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