RDC – Roger Lumbala : « Je suis prêt à me présenter devant la CPI »
Déclaré « non amnistiable » par Kinshasa qui le soupçonne d’avoir participé directement ou indirectement au recrutement des enfants-soldats en 2012, l’opposant congolais (RDC) Roger Lumbala se dit prêt à se présenter devant la justice internationale pour prouver son innocence. Interview exclusive.
À Kinshasa, plus la liste des amnistiés s’allonge, plus celle des "non amnistiables" accueille de nouveaux noms. Parmi les derniers inscrits à cette dernière : Roger Lumbala. À en croire des sources proches du dossier, l’ex-député d’opposition (son mandat a été invalidé début 2013 lorsqu’il avait rejoint la rébellion du M23) est soupçonné par la justice militaire congolaise d’avoir été de "connivence" avec le colonel déserteur John Tshibangu. Cet officier des Forces armées de la RDC (FARDC) est accusé d’avoir tenté de mener un mouvement insurrectionnel dans la province du Kasaï oriental en 2012 et surtout d’avoir enrôlé des enfants. Un fait qui ne rentre pas dans le champ de la loi d’amnistie promulguée le 11 février 2014 par le président Joseph Kabila.
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Roger Lumbala, lui, conteste toutes ces accusations. Il espère toujours être amnistié pour pouvoir rentrer dans son pays. En attendant, depuis Paris où il s’évertue à accélérer les démarches de sa demande d’asile en France, le président du Rassemblement des Congolais démocrates-nationalistes (RCD-N) a confié à Jeune Afrique qu’il était prêt à se présenter devant une juridiction internationale pour prouver son innocence.
Jeune Afrique : Kinshasa vous a déclaré "non amnistiable". Que répondez-vous ?
Roger Lumbala : Le pouvoir de Kinshasa n’a rien à me reprocher. Je n’ai jamais fait de prison de ma vie. J’ai vécu vingt ans en France, je n’ai jamais fait l’objet de poursuites judiciaires. Il en est de même en RDC. C’est pourquoi je lance le défi quiconque, qui a quelque chose à me reprocher, de mettre ses accusations sur la table !
En revanche, je sais pourquoi certains au pouvoir veulent m’exclure de l’amnistie. C’est tout d’abord parce que je les ai défiés. Le fait d’avoir soutenu le M23 [rébellion du Mouvement du 23-Mars défait début novembre 2013 dans l’est de la RDC, NDRL] ne leur a pas plu. Ensuite, je suis candidat à la présidentielle de 2016 et en dehors d’Étienne Tshisekedi, c’est Roger Lumbala qui fait peur.
Mais des sources judiciaires à Kinshasa vous citent dans "l’affaire John Tshibangu". Avez-vous été de "connivence" avec ce colonel déserteur en 2012 dans le Kasaï oriental, votre province d’origine ?
L’affaire John Tshibangu concerne des faits insurrectionnels qui sont amnistiables. Qu’à cela ne tienne, à supposer que j’ai incité le colonel John Tshibangu à la rébellion, quel est l’acte criminel aurais-je commis ? Aucun !
Avez-vous poussé le colonel John Tshibangu à prendre les armes ?
Je ne veux pas répondre à cette question. Ma réponse au réquisitoire du procureur général, dans laquelle je donne tous les détails de cette affaire, mais aussi sur l’implication de Joseph Kabila dans ce qui se passe dans l’est du pays, n’a jamais été lue à l’Assemblée nationale. Je suis au courant de beaucoup de choses. C’est pourquoi, au lieu de s’acharner sur des personnes qui leur ont fait la guerre – Sultani Makenga, René Abandi et les autres -, ils s’acharnent sur quelqu’un qui n’a fait que soutenir un mouvement.
La justice militaire congolaise soupçonne le colonel déserteur John Tshibangu d’avoir recruté des enfants soldats. Un crime non amnistiable dans lequel vous seriez impliqué…
Cette affaire est le problème de John Tshibangu. Mais une double question s’impose : où a-t-il recruté ces enfants soldats ? Où a-t-il fait la guerre ? Les autorités judiciaires doivent nous le dire. Un responsable politique proche du pouvoir m’avait déjà informé que mon nom ne figurait pas sur la première liste des non amnistiables… Aujourd’hui, le pouvoir cherche à fabriquer des dossiers pour m’incriminer et m’exclure de l’amnistie.
Quels rapports entretenez-vous avec le colonel Tshibangu ?
La dernière fois que je lui ai parlé c’était en 2012, avant que je ne quitte Kinshasa. J’ai connu John Tshibangu très jeune lorsque nous étions à Goma. C’était un frère luba qui venait vers moi. C’est pourquoi j’ai gardé de très bonnes relations avec lui.
Kinshasa vous encourage à rentrer au pays pour répondre de vos actes devant la justice. Allez-vous le faire ?
Je ne fais pas confiance à la justice congolaise. Tout le monde sait comment elle fonctionne… J’aurais souhaité que la justice internationale se saisisse du dossier. Que le gouvernement de Kinshasa dépose ses griefs et que je donne mes arguments. Je suis donc prêt aujourd’hui à aller me présenter, tout seul, devant la Cour pénale internationale (CPI). Je me mets à sa disposition.
En attendant, que pensez-vous du débat actuel sur un éventuel troisième mandat, ou pas, de Joseph Kabila en 2016 ?
Tant que ce n’est pas officiel, je n’ai pas de commentaire à faire. Je donnerai mon avis lorsque la démarche sera entamée. Actuellement, il n’y a que des fous du roi qui sont en train de titiller la population.
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Par Trésor Kibangula
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