Livres : voyage au coeur de la sorcellerie et du temps avec le Camerounais Mutt-Lon

Décerné le 2 mai, le prix Ahmadou-Kourouma a récompensé « Ceux qui sortent dans la nuit », du Camerounais Mutt-Lon. Une enquête au cœur de la sorcellerie et un voyage dans le temps.

Couverture de Ceux qui sortent dans la nuit. © DR/Grasset

Couverture de Ceux qui sortent dans la nuit. © DR/Grasset

ProfilAuteur_SeverineKodjo

Publié le 9 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

Des herbes magiques des Métamorphoses d’Ovide au très populaire Harry Potter, en passant par les sorcières des contes des frères Grimm et les Mémoires de porc-épic d’Alain Mabanckou (prix Renaudot 2006), la sorcellerie est une source inépuisable d’inspiration pour les écrivains. Allégorie des passions humaines ou objet de fantasme et de fascination, elle nourrit l’imaginaire et se transforme en matière de prédilection à qui sait manier le verbe et aime nous entraîner dans une odyssée extraordinaire. Le lauréat du dixième prix Ahmadou-Kourouma, le Camerounais Mutt-Lon ("l’homme du terroir", en bassa), ne déroge pas à la règle. Dans "une écriture très fluide" selon Jacques Chevrier, spécialiste de littérature africaine et président de ce prix littéraire décerné chaque année lors du Salon africain du Salon du livre et de la presse de Genève, l’écrivain camerounais invite le lecteur à un double voyage : au cœur de ce qui est habituellement dissimulé – la sorcellerie – et dans le temps.

C’est une sorte de lettre ouverte adressée aux sorciers et aux Camerounais.

Dans son premier roman à être publié par une maison d’édition d’envergure, Daniel Alain Nsegbe de son vrai nom, lui, le scientifique (il a fait des études de sciences naturelles à l’université de Yaoundé et est diplômé en audiovisuel et en photographie) a choisi d’évoquer l’existence des ewusu au sein de la société camerounaise. Ces sorciers quittent leur corps la nuit et, invisibles, accomplissent des actes maléfiques en toute impunité. Une jeune initiée qui ne parvient pas à se taire et à garder le secret est assassinée. Par ses pairs ? Afin d’enquêter sur sa mort, son frère devient à son tour ewusu et remonte le temps jusqu’au XVIIIe siècle. "Ceux qui sortent dans la nuit, explique le quadragénaire, est né d’un fantasme : je ne cessais d’imaginer comment devrait se comporter un jeune Africain actuel s’il se retrouvait précipité dans le passé au milieu de ses propres ancêtres, ceux qui n’avaient pas vu l’homme blanc. Je me demandais sans cesse combien de temps il tiendrait avant d’être démasqué, et quel serait alors son sort… C’est pourquoi j’ai abordé le thème de la sorcellerie, car c’était l’unique moyen pouvant me permettre de projeter quelqu’un de 2011, l’année durant laquelle j’ai écrit ce roman, à 1705." Jacques Chevrier voit dans ce texte davantage qu’un roman : "C’est une sorte de lettre ouverte adressée aux sorciers et aux Camerounais avançant que la magie pourrait être le fer de lance d’une véritable révolution scientifique si elle était mise au bénéfice du bien et non du mal."

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Monteur à la télévision d’État camerounaise CRTV, Mutt-Lon est, dit-il, "venu à la littérature par la passion de la lecture transmise par [sa] mère, et un besoin très tôt affirmé de partager [ses] fantasmes". Sa source d’inspiration ? La société rurale africaine. Ses modèles littéraires ? Voltaire, Guy des Cars et Agatha Christie. Après avoir essuyé de nombreux refus, il a enfin eu la chance de voir l’un de ses manuscrits, envoyé par la poste, être accepté puis publié par Grasset. Quant à savoir s’il a eu recours à la sorcellerie pour parvenir à ses fins, nous nous garderons bien de lui poser la question.

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Séverine Kodjo-Grandvaux

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 – Ceux qui sortent dans la nuit, de Mutt-Lon, éd. Grasset, 288 pages, 18,90 euros
 

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