Il y a 20 ans, Mandela devenait le premier président noir d’Afrique du Sud
Il y a précisément 20 ans que Nelson Mandela arrivait à la tête de l’Afrique du Sud. Après avoir été élu premier président noir de l’Afrique du sud, le 27 avril 1994, Madiba était investi le 10 mai. Et prononçait un discours historique dont Jeune Afrique vous propose la traduction.
Libéré le 11 février 1990 après plus de 27 années passées dans les geôles du régime raciste de l’apartheid, Nelson Mandela est élu président de l’ANC l’année d’après, tout en poursuivant les négociations entamées en prison avec Frederik de Klerk, qui sera le dernier président blanc du pays. En 1993, une Constitution intérimaire est enfin adoptée, sanctionnant la fin de l’apartheid, et le rêve de Mandela devient réalité une année plus tard : tous les électeurs sud-africains sont convoqués aux urnes indépendamment de la couleur de leur peau ou de leurs origines.
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Les élections législatives qui se déroulent du 26 au 29 avril 1994 voient la victoire de l’ANC avec 62,2% des voix et l’élection, le lendemain, de Nelson Mandela à la présidence. Le 10 mai, l’ancien prisonnier est investi président de la République au cours d’une cérémonie historique. Dans l’assistance, Yasser Arafat, Fidel Castro, Julius Nyerere, Hillary Clinton… Au total, 45 chefs d’État et le secrétaire de l’Organisation des Nations unies (ONU), Boutros Boutros-Ghali, ont fait le déplacement, avec quelque 4 000 invités, sous la surveillance étroite d’autant de policiers pour déjouer toute tentative d’assassinat sur la personne du nouveau chef de l’État. Revivez le discours mémorable de Nelson Mandela prononcé devant un public de 60 000 personnes.
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Majestés, Altesses, invités distingués, camarades et amis,
Aujourd’hui, nous tous, par notre présence ici et par nos célébrations dans d’autres régions de notre pays et du monde, nous conférons gloire et espoir à une liberté naissante.
De l’expérience d’un désastre humain inouï qui a duré beaucoup trop longtemps, doit naître une société dont toute l’humanité sera fière.
Nos actions quotidiennes, en tant que simples Sud-Africains, doivent susciter une réalité concrète qui renforcera la foi de l’humanité dans la justice ainsi que sa confiance dans la noblesse de l’âme humaine et nourrira tous nos espoirs d’une une vie magnifique pour tous.
Tout ceci, nous le devons autant à nous-mêmes qu’aux peuples du monde qui sont si bien représentés ici, aujourd’hui.
À mes compatriotes, je n’ai aucune hésitation à dire que chacun d’entre nous est aussi intimement attaché à la terre de ce beau pays que le sont les célèbres jacarandas de Pretoria et les mimosas du Bushveld.
Chaque fois que l’un d’entre nous touche le sol de ce pays, il éprouve un sentiment de renouveau personnel. L’humeur nationale change comme les saisons.
Nous sommes transportés par un sentiment de joie et d’euphorie lorsque l’herbe verdit et que les fleurs s’épanouissent.
Cette unité spirituelle et physique que nous partageons tous avec cette patrie commune explique l’intensité de la douleur que nous avons tous portée dans nos cœurs quand nous avons vu notre pays se déchirer dans un terrible conflit, et quand nous l’avons vu rejeté, proscrit et isolé par les peuples du monde, précisément parce qu’il était devenu la base universelle de l’idéologie pernicieuse et de la pratique du racisme et de l’oppression raciale.
Nous, le peuple d’Afrique du Sud, nous sentons comblés que l’humanité nous ait repris en son sein, et que le privilège rare d’être l’hôte des nations du monde sur notre propre terre nous ait été accordé, à nous qui étions hors-la-loi il n’y a pas si longtemps.
Nous remercions tous nos distingués invités internationaux d’être venus célébrer avec le peuple de notre pays ce qui est, après tout, une victoire commune pour la justice, la paix et la dignité humaine.
Nous sommes sûrs que vous continuerez à être à nos côtés lorsque nous aborderons les défis de la construction de la paix, de la prospérité, de la démocratie, et que nous nous attaquerons au sexisme et au racisme.
Nous apprécions infiniment le rôle qu’ont joué la foule de nos concitoyens et de leurs dirigeants politiques, démocratiques, religieux, féminins, jeunes, économiques, traditionnels et autres pour parvenir à cette aboutissement. Et le dernier d’entre d’eux n’est pas mon second vice-président, l’honorable Frederik Willem De Klerk.
Nous aimerions également rendre hommage à nos forces de sécurité, tous grades confondus, pour l’éminent rôle qu’elles ont joué en protégeant nos premières élections démocratiques et la transition démocratique des forces sanguinaires qui refusent toujours de voir la Lumière.
Le moment est venu de panser nos blessures.
Le moment est venu de réduire les abîmes qui nous séparent.
Le temps de la construction est devant nous.
Nous avons enfin atteint notre émancipation politique. Nous nous promettons de libérer tout notre peuple des chaînes permanentes de la pauvreté, de la privation, de la souffrance, du sexisme et de toute autre discrimination.
Nous avons réussi à franchir le dernier pas vers la liberté dans des conditions de paix relative. Nous nous engageons à construire une paix totale, juste et durable.
Nous avons triomphé dans notre combat pour insuffler l’espoir dans le cœur de millions de nos concitoyens. Nous prenons solennellement l’engagement de bâtir une société dans laquelle tous les Sud-Africains, blancs ou noirs, pourront marcher la tête haute sans aucune crainte au fond du cœur, assurés qu’ils seront de leur droit inaliénable à la dignité humaine – une Nation Arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde.
Comme gage de son engagement pour le renouveau de notre pays, le nouveau gouvernement transitoire d’unité nationale examinera, en urgence, la question de l’amnistie pour plusieurs catégories de concitoyens qui purgent actuellement des peines d’emprisonnement.
Nous dédions ce jour à tous les héros et les héroïnes de ce pays et du reste du monde qui, de diverses manières, ont sacrifié et mis en jeu leur vie afin que nous puissions être libres.
Leurs rêves sont devenus réalité. La liberté est leur récompense.
Nous sommes à la fois remplis d’humilité et exaltés par l’honneur et le privilège que vous, le peuple d’Afrique du Sud, nous avez accordé, en tant que premier président d’un gouvernement uni, démocratique, non-racial et non-sexiste.
Nous comprenons encore qu’il n’y a pas de voie toute tracée vers la liberté.
Nous savons bien que nul d’entre nous ne peut réussir seul.
Nous devons donc agir ensemble, en tant que peuple uni, pour la réconciliation nationale, pour la construction de la nation, pour la naissance d’un nouveau monde.
Que la justice soit pour tous !
Que la paix soit pour tous !
Qu’il y ait du travail, du pain, de l’eau et du sel pour tous !
Que chacun sache que chaque corps, chaque esprit et chaque âme a été libéré pour s’épanouir.
Que jamais, au grand jamais ce beau pays ne subisse à nouveau l’oppression de l’un par l’autre et ne souffre l’indignité d’être le pestiféré du monde.
Que règne la liberté.
Que le soleil ne se couche jamais sur une réussite humaine si glorieuse.
Dieu bénisse l’Afrique.
Merci.
Nelson Mandela, le 10 mai 1994
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