Maroc : les alcootests entrent en piste cet été

Pour réduire les accidents de la circulation, le Maroc s’apprête à instaurer des contrôles d’alcoolémie sur les automobilistes. Une avancée qui se heurte cependant à l’hypocrisie autour de la consommation d’alcool dans ce pays musulman.

Un accident de la route ayant fait 42 morts au sud de Marrakech, en septembre 2012. © AFP

Un accident de la route ayant fait 42 morts au sud de Marrakech, en septembre 2012. © AFP

ProfilAuteur_NadiaLamlili

Publié le 8 mai 2014 Lecture : 2 minutes.

"Les alcootests entreront en vigueur durant l’été", a annoncé Bennacer Boulaâjoul, secrétaire permanent du Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC). "Nous sommes en train de finaliser le plan national de sensibilisation et de contrôle qui sera dévoilé au public le mois prochain", poursuit-il.

Le Code de la route de 2010, qui a instauré les alcootests, parle d’un contrôle en deux étapes. L’automobiliste sera d’abord invité à faire un test d’haleine, et si le contrôle indique un taux égal ou supérieur à 0,10 milligramme par litre d’air expiré, l’agent de la circulation devra mesurer le taux de concentration d’alcool dans le sang. Le seuil légal sera de 0,2 g par litre, soit le même taux qu’en Suède, alors qu’il est de 0,5 g en France, soit l’équivalent de deux verres standard de vin, en moyenne.

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"Il n’y pas lieu de faire des comparaisons avec des pays occidentaux", prévient le directeur du CNPC puisqu’au Maroc, contrairement à ces pays, il n’y a aucune tolérance vis-à-vis de l’alcool.

Loi répressive peu appliquée

Autant dire qu’il a fallu une forte volonté politique pour appliquer cette mesure dans un royaume où l’islam est religion d’État et où le parti au pouvoir est d’obédience islamiste. L’article 28 de la loi de juillet 1967, relative à la répression de l’ivresse publique, "interdit à tout exploitant (…) de vendre ou d’offrir gratuitement des boissons alcooliques à des Marocains musulmans". La même loi dispose que "quiconque est trouvé en état d’ivresse manifeste dans les rues, chemins, cafés, cabarets ou autres lieux publics ou accessibles au public est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 150 à 500 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement".

Chaque année, les Marocains consomment l’équivalent de 131 millions de litres d’alcool, selon une étude de l’agence de presse Reuters.

Dans les faits, cette loi n’est pas appliquée, mais les autorités s’en servent comme d’une épée de Damoclès pesant sur la tête des Marocains, qui sont de grands consommateurs d’alcool. Chaque année, ils consomment l’équivalent de 131 millions de litres d’alcool, selon une étude de l’agence de presse Reuters.

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Enjeu économique

L’alcool est aussi un enjeu économique. Sa vente et sa consommation génèrent près de 400 millions d’euros de chiffres d’affaires dans le secteur, permettant à l’État d’engranger d’importants revenus fiscaux. Mais le revers de la médaille est que "30% des accidents de la route sont dus à la consommation de stupéfiants et de l’alcool", comme l’a précisé le ministre délégué chargé du Transport et de la Logistique, Najib Boulif, lors d’un séminaire sur "les dangers liés à la consommation des stupéfiants et de l’alcool au volant" organisé le 6 mai à Rabat. Les routes marocaines, sont les plus meurtrières au monde avec une moyenne de 4 000 morts chaque année.

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"Avec la mise en vigueur des alcootests, tout l’enjeu est de savoir si les conducteurs déclarés positifs seront conduits au commissariat", s’inquiète un automobiliste casablancais. La question est ouverte et elle le restera visiblement tant que l’hypocrisie sur l’alcool ne sera pas définitivement levée.

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