Prévenir le jihad : l’Europe peut-elle s’inspirer du Moyen-Orient ?
Au Moyen-Orient, les centres de déradicalisation pour réhabiliter les jihadistes se multiplient. Des expériences qui intéressent de plus en plus les pays européens désireux de s’inspirer des méthodes existantes pour empêcher le départ de leurs ressortissants en Syrie.
En matière de centres de déradicalisation pour les jihadistes, les pays du Moyen-Orient font figure de pionniers. En tête, l’Arabie Saoudite qui s’est illustrée dans ce domaine avec la création de deux programmes de réhabilitation dont le premier a vu le jour en 2004. Cours religieux dispensés par des imams agréés, aide à la réinsertion, l’Arabie Saoudite se targue de pouvoir déradicaliser les djihadistes en un temps record. Un programme qui séduit de plus en plus les pays européens, désarçonnés par les départs massifs de leurs ressortissants vers la Syrie.
Selon Michele Cercone, porte-parole de la Commissaire européenne, Cecila Malmström, chargée des questions de sécurité et des migrations, entre 1 000 et 2 000 Européens seraient partis combattre dans le pays de Bachar Al-Assad. Ils représenteraient 10% des combattants jihadistes. Face à cette situation, des responsables belges se sont récemment rendus en Jordanie. Un pays qui, à l’instar du Pakistan et du Yémen, s’est inspiré du modèle saoudien en lançant un programme destiné aux jihadistes de retour de Syrie.
Pendant six mois, les prisonniers volontaires rencontrent des psychologues, des autorités religieuses reconnues et des spécialistes de la réinsertion. Cette expérience "préparera" la stratégie nationale de prévention contre le radicalisme, a précisé le cabinet de la ministre belge de l’Intérieur, Joëlle Milquet. Toutefois comme le rappelle Michele Cercone, "il ne s’agit de suivre un modèle en particulier. On est ici dans l’apprentissage et dans l’échange de connaissances sur les méthodes qui fonctionnent".
Prévention mais pas "déradicalisation"
Au Moyen-Orient, les autorités se focalisent surtout sur le retour des jihadistes de Syrie, ce qui n’est pas tout à fait le cas pour l’Union Européenne. "La plupart des États membres se sont investis dans des programmes de prévention contre la radicalisation et le recrutement", note M. Cercone. Publié en janvier dernier dans le cadre du projet du réseau européen de sensibilisation à la radicalisation (RAN), un document dresse le bilan des approches et des stratégies de pays européens comme les Pays-Bas, l’Allemagne, le Danemark et la Suède.
La plupart des programmes ciblent des jeunes à risques ou des personnes déjà emprisonnées, impliquées dans des activités ou des organisations islamistes, d’extrême-droite et d’extrême-gauche. Le plus remarqué est sans doute celui de la stratégie Prevent, créée en 2007 par le Royaume-Uni. Objectif du dispositif, là encore : stopper la propagation d’idéologies extrémistes, identifier les personnes qui sont en phase de radicalisation et aider la réinsertion des jeunes radicalisés.
Une initiative dont s’est inspirée la France pour lancer en avril dernier son plan anti-jihad qui comporte la création d’un numéro vert et d’un centre d’accueil pour les familles dont les enfants se sont radicalisés ou sont partis en Syrie, ainsi que la mise en place d’une cyber-patrouille pour surveiller et supprimer les contenus de propagande jihadiste sur le web.
Prosélytisme dans les prisons
Si des solutions sont ainsi mises en place pour prévenir la radicalisation, la question du retour des jihadistes de Syrie demeure toutefois en suspens. Une problématique qui inquiète Habib Kaaniche, aumônier régional des prisons et des hôpitaux du sud-est de la France qui craint le risque de "contamination". Pour ce spécialiste, il faut impérativement créer un centre spécifique pour les prisonniers jihadistes afin qu’ils n’influencent pas les autres détenus de droit commun.
"Nous savons que dans nos prisons du sud-est comme dans d’autres prisons, il y a des radicaux qui tentent de manipuler les autres prisonniers et qui réussissent sur des personnes faibles", précise Habib Kaaniche qui souhaite la création "d’un centre encadré par des psychologues ainsi que par des autorités religieuses musulmanes rattachées à l’administration française". Comme le rappelle Chems-Eddine Hafiz, vice président du Centre français du culte musulman (CFCM), la France devra se concentrer sur la mise en place d’un centre de formation de religieux pour "éviter que des imams auto-proclamés se mettent à raconter n’importe quoi au nom de la religion". Un véritable défi pour un pays traditionnellement laïc ou l’Église et l’État sont séparés depuis… 1905.
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