Affaire Sankara – Me Farama : « Certains juges burkinabè sont proches du pouvoir »
L’avocat de la famille Sankara, Me Prosper Farama, réagit à la décision du tribunal de grande instance de Ouagadougou de se déclarer incompétent dans la demande d’exhumation de l’ancien président burkinabè. Interview.
Après avoir successivement renvoyé sa décision au 2 puis au 30 avril, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou s’est finalement déclaré "incompétent" quant à la demande d’exhumation de la tombe de Thomas Sankara, formulée le 15 octobre 2010 par la famille de l’ancien président du Burkina Faso. Peu surpris par cette décision, l’avocat de la famille Sankara, Me Prosper Farama, répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Comment expliquez-vous la décision du tribunal de grande instance ?
Me Prosper Farama : Pour être honnête, je m’y attendais. C’est la troisième fois qu’un tribunal se déclare incompétent sur ce dossier. L’argument est toujours le même : ils nous disent que cela ne relève pas de leur juridiction mais dans ce cas, de quelle juridiction cette affaire relève-t-elle ? Je pense que ce qui transparaît surtout dans cette décision, c’est bien entendu l’opinion du régime. Certains juges sont proches des gens du pouvoir et pratiquent beaucoup l’autocensure – ils ne veulent pas se mettre en porte-à-faux avec leurs "amis".
Quelle suite allez-vous donner ? Allez-vous faire appel ?
Nous allons d’abord en discuter avec la famille Sankara mais il est en effet très probable que nous fassions appel. Dans ce cas, le prochain rendez-vous devant le tribunal risque de ne pas avoir lieu avant 2015. On peut en tout cas compter sur la mauvaise volonté des autorités pour encore retarder l’échéance le plus possible.
L’élection présidentielle aura lieu en 2015. Pensez-vous que votre demande aura plus de chance d’aboutir en cas d’alternance politique ?
Tout dépend de quelle alternance on parle. Si vous prenez un parti d’opposition comme le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) qui semble aujourd’hui remporter un certain succès dans l’opinion publique, il n’est pas sûr que ses leaders [Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, NDLR] aient très envie de réouvrir ce dossier pour la simple et bonne raison qu’ils ont été parmi les premiers à cautionner le changement de régime à l’époque – un changement qui, comme chacun sait, s’est opéré dans la violence.
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Pierre Mareczko, à Ouagadougou
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