États-Unis : faute d’anesthésiant, l’exécution d’un condamné à mort tourne à la torture

Voilà qui devrait donner encore un peu plus d’arguments aux défenseurs de l’abolition de la peine de mort aux États-Unis. Mardi, une double-exécution a tourné à la torture dans l’État d’Oklahoma. Le sédatif, prévu pour éviter des « douleurs atroces », n’a tout simplement pas fait effet.

Une salle d’exécution, dans un pénitencier américain. © AFP

Une salle d’exécution, dans un pénitencier américain. © AFP

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Publié le 30 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Volontiers donneurs de leçons en matière de droits humains, les États-Unis risquent cette fois d’être montrés du doigt, comme ils l’avaient été par le président sénégalais, Macky Sall, en juin 2013 à Dakar. Mardi 29 avril, l’État d’Oklahoma devait procéder à la double-exécution de Clayton Lockett et Charles Warner, tous deux condamnés pour viol et meurtre, respectivement en 2000 et en 1997. Les deux exécutions devaient être effectuées au moyen d’une nouvelle procédure prévoyant les injections successives de trois produits : un sédatif, un anesthésiant et du chlorure de potassium.

Sauf que tout ne s’est pas passé comme prévu. À 18h23, mardi 29 avril, la première exécution par injection a lieu à Clayton Lockett, en présence des avocats du condamné. Déclaré inconscient dix minutes plus tard, celui-ci reçoit ensuite les deux autres produits. C’est alors que le protocole dérape. Trois minutes plus tard, l’homme se met à bouger, respirant très fort, les dents serrées et tentant de relever la tête.

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Un membre de l’équipe pénitentiaire vient alors tirer les rideaux pour empêcher les témoins d’observer la scène, rapporte une journaliste d’Associated Press, sur son compte Twitter. Le condamné mettra finalement près de trois quarts d’heure à mourir, succombant d’une crise cardiaque à 19h06.

"Suffocation et douleurs atroces"

Pour le médecin chargé d’examiner l’endroit où la piqure a été faite, l’explication ne fait aucun doute : une veine a éclaté, empêchant le sédatif d’agir, selon les propos rapportés par le directeur de l’administration des prisons d’Oklahoma, Robert Patton.

Ça ressemblait à de la torture

Or, sans ce sédatif, l’injection des deux autres produits provoque "une suffocation et des douleurs atroces", rapporte le New York Times. "C’était extrêmement difficile de voir ça. Ça ressemblait à de la torture", ont déclaré, à la sortie de la salle d’exécution, les avocats de Clayton Lockett.

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 Pénurie d’anesthésiant

La deuxième exécution, celle de Charles Warner, prévue deux heures plus tard, a été immédiatement repoussée de quatorze jours et le gouverneur de l’État, Mary Fallin, a demandé "un examen complet de la procédure". Des informations pourtant réclamées à maintes reprises par les deux pensionnaires du couloir de la mort, notamment  concernant le barbiturique devant leur être injecté.

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Il faut dire que certaines nouvelles procédures américaines n’incitent guère à la confiance depuis que les fabricants européens refusent de fournir l’anesthésiant le plus courant, le pentobarbital, pour des exécutions. Confrontés à la pénurie, plusieurs États se sont mis à la recherche d’une solution de repli, jusqu’à faire appel à des préparateurs en pharmacie pas forcément homologués au niveau fédéral.

Nous ne savons même pas si les produits ont été achetés légalement

Le site d’information Mother Jones rapporte même que le mélange utilisé mardi n’avait été utilisé qu’une seule fois en Floride, en 2013, avec des doses cinq fois plus importantes. Autant dire qu’il n’avait jamais été testé dans la forme dans laquelle il a été utilisé sur Clayton Lockett. Pire, l’État d’Oklahoma, voulant rester discret sur la provenance de ces produits, n’aurait pas gardé trace de la transaction liée à leur achat. "Nous ne savons même pas si les produits ont été achetés légalement", avait mis en garde l’avocate de Charles Warner, quelques heures avant le moment fatidique. Mais, pour l’administration de l’État, il semble que seul le résultat comptait.

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Par Mathieu OLIVIER

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