Au secours, le retour des quenelles !
Le début de l’année 2014 avait été parasité par le débat sur l’ambiguë quenelle, ce geste présumé antisémite du présumé humoriste Dieudonné. Quelques mois après, ce sont des procédures de sanction qui rappellent la posture “anti-système” à notre bon souvenir, notamment dans le domaine du football.
L’oeil de Glez. © Glez
Quenelles en cascades ? Kyrielles de sanctions. En début d’année, ce geste qui fâche – interprété par certains comme un salut nazi à l’envers – s’était répandu comme une traînée de poudre qui semblait avoir fait long feu. N’était-il qu’un phénomène de mode véhiculé par de vrais-faux rebelles profitant largement d’un système qu’ils se plaisaient à dénoncer sans y avoir pensé ? La quenelle ne devait alors pas survivre plus longtemps qu’une chute de dominos. Mais les procédures, elles, ne vivent pas ce que vivent les buzz, l’espace d’un matin. Il est des retours de quenelles comme des retours de manivelles…
Ce n’est qu’en cette fin de mois d’avril que le footballeur Yannick Sagbo vient d’être condamné à 18 300 euros d’amende pour être entré dans la ronde de ce geste proscrit. La sanction contre l’attaquant de Hull city vient de la Fédération anglaise de football. Le franco-ivoirien s’était contenté de soutenir naïvement son collègue Nicolas Anelka qui, lui-même, avait naïvement adressé, en plein match, une quenelle en guise de soutien à Dieudonné. L’attaquant français avait été suspendu du club West Bromwich Albion pour "geste discriminatoire", comme demandé par le Congrès juif européen. La Fédération l’avait condamné à une amende de 97 000 euros et le sponsor maillot de WBA, Zoopla, avait annoncé qu’il mettrait un terme à son contrat avec le club à la fin de la saison. Puis Anelka avait été réhabilité en mars mais il n’avait pas souhaité revenir au club.
Si le monde du show-business s’était rapidement montré frileux face aux postures du polémiste Dieudonné, son ersatz footballistique était entré plus nettement dans la brèche. En dehors d’Anelka et Sagbo, et toujours au Royaume-Uni, le Camerounais Benoît Assou-Ekotto, du club Queens Park Rangers, fut sanctionné pour un tweet de soutien à l’attaquant français. Le buteur du Everton FC, l’attaquant belge d’origine congolaise Romelu Lukaku, apporta son soutien à Anelka via la télévision officielle de son club. La vidéo fut retirée du site Internet d’Everton…
Mais ne pourrait-on espérer que Dieudonné comprenne que la quenelle est devenue antisémtie ?
Dans le monde du football, la quenelle n’a pas contaminé que les footballeurs “de couleurs”. En janvier toujours, l’ancien footballeur nîmois Grégory Dutil, pensionnaire du FCA Calvi, postait sur Internet une photo de lui pratiquant le geste controversé. Un an plus tôt, déjà, Mathieu Deplagne, footballeur au club du Montpellier HSC, était récompensé d’une "quenelle d’or" par Dieudonné en personne, pour bonnes et loyales quenelles sur la pelouse.
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C’est en tenant un discours perpétuellement ambigu que le polémiste franco-camerounais, roi de l’embrouille, est arrivé à collectionner un chapelet de quenelles footballistiques. Rarement explicitement antisémite, pas toujours clairement humoristique, mais revendiquant un droit à une rébellion confuse, il enrôle ces stars d’un genre nouveau, même si ce n’est que le temps d’un selfie. Le joueur du Paris Saint-Germain Mamadou Sakho, “quenelliste” flashé en présence du gourou, affirmera s’être fait piéger par l’humoriste. À la date de la photo, il n’aurait pas eu connaissance du sens attribué à ce geste. Un autre international français, Samir Nasri, dût également se justifier.
On ne peut exiger d’un pousseur de balle en cuir qu’il connaisse par cœur “Docteur Folamour”, le film de Stanley Kubrick dans une scène duquel Peter Sellers réprime péniblement ses pulsions nazis par une pression sur son bras droit. Mais ne pourrait-on espérer que Dieudonné comprenne que la quenelle, pour peu qu’elle n’ait pas été antisémite dans son esprit, l’est devenue par la force des choses, tatouée désormais par l’opprobre sur elle jetée ? Mais peut-être l’a-t-il justement compris…
Pour l’heure, voici les répliques “telluriques” du débat de janvier par sanctions interposées. Dieudo’, si tu revenais au bon vieux bras d’honneur ou à son “petit frère”, le doigt d’honneur ? Bon, il est vrai que l’anthropologue britannique Desmond Morris considère que chaque culture a sa propre version du doigt d’honneur. On n’en sortira jamais…
Peut-être Dieudonné finira-t-il par faire homologuer son entendement de la quenelle. Et peut-être, comme l’imaginait le dessinateur Aurel, présentera-t-on un jour le salut hitlérien comme une quenelle inversée…
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Damien Glez
