RDC : Kapend, Diomi Ndongala, Lumbala… Amnistiables ou pas ?

À la faveur de la politique de « cohésion nationale » en RDC, une loi d’amnistie a été promulguée par le président congolais, Joseph Kabila, le 11 février. Mais tous les détenus et prisonniers politiques ne sont – a priori – pas concernés. Zoom sur ces « gros poissons » dont les dossiers posent problème.

Les insignes de la justice militaire en RDC. © Flickr/Osisa

Les insignes de la justice militaire en RDC. © Flickr/Osisa

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Publié le 24 avril 2014 Lecture : 5 minutes.

Un "flou" juridique : c’est ce que dénoncent les ONG qui suivent l’application de la loi d’amnistie promulguée le 11 février par le président congolais Joseph Kabila. Déjà, il a fallu attendre plus de deux mois pour en voir, le 19 avril, la liste de 50 premiers bénéficiaires. Ce n’est qu’une "première vague", assure-t-on à Kinshasa pour calmer ceux qui s’inquiétaient sur leur sort.

Mais sur quels critères ces premiers amnistiés, parmi lesquels une dizaine d’ex-rebelles du Mouvement du 23-Mars (M23), ont-ils été choisis ? Les autorités congolaises répondent en renvoyant aux dispositions de l’arrêté pris par la ministre de la Justice, Wiwine Mumba, paraphrasant le texte de la loi : "Pour bénéficier des effets de l’amnistie, tout Congolais auteur, co-auteur ou complice de faits insurrectionnels et de faits de guerre [doit signer] personnellement un engagement écrit".

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Une copie de l’acte d’engagement préétabli par le ministère de la Justice.

"Sur le terrain, beaucoup de détenus et de prisonniers politiques ont signé le formulaire d’engagement mais aucun gros poisson n’est sorti de la prison", tance Emmanuel Adu Cole, un de responsables de la Fondation Bill Clinton pour la paix (FBCP) à Kinshasa. "L’application de la mesure d’amnistie se fait de manière sélective et suspecte", ajoute-t-il, dénonçant des "manœuvres" des autorités congolaises pour "maintenir en détention certains détenus et prisonniers politiques dont la libération sans condition a été pourtant recommandée lors des concertations nationales", ces assises qui ont réuni à Kinshasa du 7 septembre au 5 octobre 2013 les délégués de la majorité, ceux de l’opposition et les membres de la société civile.

Parmi les principaux accusés qui risquent de bénéficier – ou pas – de l’amnistie, plusieurs noms sont avancés par nos sources. Les voici :

  • Eddy Kapend et les autres condamnés pour l’assassinat de Kabila père : non amnistiables
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"C’est la volonté du législateur", commente Lambert Mende, le porte-parole du gouvernement congolais. "La loi d’amnistie ne couvre que les infractions commises entre le 18 février 2006, date de la promulgation de l’actuelle Constitution du pays, et le 20 décembre 2012, date de la fin de l’ultimatum lancé aux groupes armés", rappelle le ministre. Or les faits reprochés à Eddy Kapend, aide du camp de Laurent-Désiré Kabila, et à sa bande remontent au 16 janvier 2001, le jour de l’assassinat de l’ancien président dans son bureau de travail, au Palais de marbre à Kinshasa.

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Eddy Kapend, condamné à la peine capitale, et les autres co-accusés resteront donc en prison. Même si, le jour du prononcé de son verdict, le juge – démis de ses fonctions depuis – avait déclaré que le procès n’était pas terminé et que de nouvelles enquêtes devaient s’ouvrir. "Le pouvoir ne pouvait pas amnistier ces condamnés parce qu’il n’a pas intérêt aujourd’hui à voir les secrets de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila être étalés sur la place publique", estime pour sa part Dismas Kitenge, président du Groupe Lotus, une ONG de droits humains affilié à la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH).

  • Eugène Diomi Ndongala : non amnistiable

Le cas Diomi Ndongala ne passe pas non plus. L’opposant congolais a été condamné fin mars à dix ans de prison ferme pour viol. Un de crimes exclus du champ d’application de loi d’amnistie. Ses partisans et les ONG, dénonçant un "procès politique", ne cessent pourtant d’exiger sa libération, mais les autorités congolaises restent de marbre. "Même les concertateurs [entendez les délégués aux concertations nationales, NDLR] avaient recommandé au chef de l’État de le libérer", commente Freddy Kita, le secrétaire général de la Démocratie chrétienne (DC, parti de Diomi), qui ne voit dans ce refus du pouvoir qu’une "volonté de faire taire les opposants politiques".

>> Lire aussi : Diomi Ndongola, le prisonnier de Kinshasa.

  • Le groupe "Imperium" : amnistiable

Ces 12 détenus seraient, eux, à la porte de sortie de la prison militaire de Ndolo où ils croupissent depuis le 17 avril 2013. Selon les sources proches du dossier, ils auraient été notifiés de leur éventuelle amnistie. Présentés comme des "proches de Diomi Ndongala" – on y trouve une attachée de presse de l’opposant – ils sont accusés d’avoir voulu intenter à la vie du chef de l’État et à celle de son Premier ministre.

Au départ, ils étaient au nombre de 13, mais l’un d’eux est décédé en détention. À la tête de ce "mouvement insurrectionnel" qui serait dénommé "Imperium", on retrouve encore Diomi Ndongala, selon des sources judiciaires congolaises. L’opposant aurait mis en place ce groupe pour attaquer le cortège présidentiel, prendre le pouvoir par la force et le remettre à Étienne Tshisekedi. Ce que les accusés ont toujours nié.

  • Firmin Yangambi : amnistiable

Condamné à 20 ans de prison en appel, Me Firmin Yangambi, président de l’ONG "Paix sur terre", espère bénéficier aussi de l’amnistie, après avoir été déçu de n’avoir pas été gracié directement par le chef de l’État. Avec ses co-accusés, il a été reconnu fin juillet 2013 coupable de "détention illégale d’armes de guerre", non sans avoir épuisé toutes les voies de recours. Un fait insurrectionnel qui remonte à 2009, période couverte par la loi d’amnistie.

Détenu depuis 2009 après son arrestation à Kisangani, ville située au nord-est de la RDC, Firmin Yangambi a déjà purgé cinq ans de sa condamnation. S’il a toujours contesté les faits qui lui sont reprochés, des sources proches du dossier indiquent que le défenseur des droits de l’Homme a accepté depuis le mois de mars d’accomplir toutes les formalités préalables à l’amnistie. "Mais ni son nom, ni a fortiori ceux de ses co-accusés, n’ont été repris sur la liste de 50 premiers bénéficiaires de l’amnistie", regrette un proche de Yangambi qui espère que le pouvoir n’usera pas de manière injuste de son "pouvoir discrétionnaire" pour "retarder la libération" de celui compte un jour briguer la magistrature suprême en RDC. Il avait déjà annoncé sa candidature à la présidentielle de 2006, avant de se rétracter…

  • Le pasteur Fernando Kutino : amnistiable

Responsable de l’église Armée de la victoire, le pasteur Fernando Kutino a été condamné en octobre 2008 à dix ans de prison pour détention illégale d’armes et tentative d’assassinat. Théoriquement, il pourrait bénéficier de la loi d’amnistie. La rumeur de sa libération a enflammé à plusieurs reprises les réseaux sociaux et les rues de Kinshasa. Réputé proche de Jean-Pierre Bemba, le candidat malheureux à la présidentielle de 2006 détenu à La Haye, Fernando Kutino est interné depuis août 2013 dans un centre hospitalier de la capitale à la suite d’un accident vasculaire cérébral.

  • Mushiki, Muhindo, Lumbala… : non amnistiables ?

Plus le temps passe, plus la liste des personnes qui craignent de ne pas bénéficier de la loi d’amnistie s’allonge. Après Willy Mishiki, représentant des miliciens maï-maï de Walikale, dans le Nord-Kivu, arrêté à Kinshasa lorsqu’il était venu "représenter les groupes armés aux concertations nationales, ou le député Nzangi Muhindo, condamné à trois ans de prison pour des propos outrageants envers le chef de l’État, c’est au tour de Roger Lumbala de s’inquiéter de son sort. Cet élu de Miabi (Kasaï oriental), dont le mandat de député a été invalidé, qui avait rallié début 2013 la rébellion du M23, se trouverait sur la liste des personnes non amnistiables, selon Kinshasa.

 Photo : DR / Facebook / CC/Radio Okapi (Firmin Yangambi) 

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Par Trésor Kibangula

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