Mali : Gilbert Rodrigues Leal, questions sur une mort présumée
Entre la communication tardive des jihadistes et ce que savaient les autorités françaises depuis décembre 2013, plusieurs points d’interrogations entourent l’annonce de la mort de l’otage français Gilberto Rodrigues Leal, enlevé par le Mujao au Mali en 2012.
En annonçant, mardi 22 avril, lors d’un bref appel téléphonique à l’Agence France presse (AFP), la mort de l’otage français Gilbert Rodrigues Leal, le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a rendu public ce que redoutaient ses proches et les autorités françaises depuis plusieurs mois. Sans pour autant formellement confirmer le décès du retraité de 62 ans, l’Élysée a rapidement indiqué, dans un bref communiqué publié dans la soirée, qu’il y avait "tout lieu de penser que [Gilbert Rodrigues Leal] est décédé depuis plusieurs semaines du fait des conditions de sa détention".
Celui-ci avait été enlevé le 20 novembre 2012 dans l’ouest du Mali, près de la frontière avec la Mauritanie, par des combattants du Mujao. Cinq jours plus tard, le 25 novembre, il apparaissait dans une vidéo de revendication. Depuis, aucun signe de vie du captif n’a été transmis par le groupe jihadiste.
>> Lire aussi Gilbert Rodrigues et Serge Lazarevic : les otages français oubliés au Mali ?
Une "contre-offensive médiatique" ?
Dimanche dernier, à l’occasion du retour à Paris des quatre journalistes français retenus en otages en Syrie, le président François Hollande et son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, s’étaient publiquement montrés "inquiets" pour le sort de Gilbert Rodrigues Leal. En réalité, les services français redoutaient sérieusement sa mort depuis décembre 2013 et en avaient même informé la famille. Selon une source proche du dossier, un responsable de la cellule de crise du quai d’Orsay avait alors confié par téléphone à David Rodrigues, frère de Gilbert, "que des informations sérieuses leur laissaient penser qu’il [était] mort et qu’ils cherchaient la preuve de son décès".
Se posent désormais plusieurs questions troublantes. Pourquoi les jihadistes, relativement prompts à revendiquer les rapts ou décès d’otages occidentaux, ont-ils attendus près de cinq mois pour annoncer la mort de Gilbert Rodrigues Leal ? "Ce sont des gens cyniques qui communiquent sur la mort de leurs otages quand cela les arrange. Ils ont sûrement voulu casser le sentiment positif de la libération de nos quatre otages en Syrie et mener une contre-offensive médiatique", tente d’expliquer Romain Nadal, porte-parole du ministère des Affaire étrangères, tout en précisant que ses services se préparaient à un tel communiqué du Mujao.
Le corps reste introuvable
Ce délai anormalement long n’est pas la seule interrogation temporelle de cette affaire. Les circonstances de la mort du Français ne sont pas beaucoup plus claires. Malade et fatigué, il aurait pu, comme l’affirme Paris, succomber à ses rudes conditions de détentions. L’hypothèse d’une exécution n’est pas non plus à écarter. Ses ravisseurs, en difficulté sur le terrain depuis le déclenchement de l’opération Serval, auraient pu finir par se passer d’un otage devenu "encombrant" dans leur logique de guérilla et de déplacement quasi permanents.
Reste enfin une question : celle de l’éventuelle dépouille de Gilbert Rodrigues Leal, toujours introuvable. Selon un bon connaisseur des prises d’otages au Sahel, si les négociations pour sortir le retraité vivant du désert malien ont échoué, les jihadistes du Mujao pourraient désormais tenter de monnayer son corps. Sur le terrain, aucune consigne particulière n’aurait pour le moment été passée aux militaires français qui patrouillent sur zone.
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Benjamin Roger
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