Algérie : une vidéo de violences policières en Kabylie suscite colère et indignation
La vidéo d’une manifestation sauvagement réprimée par des policiers en Kabylie, dimanche dernier, provoque un tollé et oblige la police nationale à ouvrir une enquête. À l’origine des violences : l’interdiction d’une marche organisée en commémoration du printemps berbère de 1980.
L’interdiction de la marche du 20 avril à Tizi Ouzou qui avait pour but de commémorer le 34e anniversaire du printemps berbère et la révolte sanglante d’avril 2001 (126 morts), a donné lieux à de violents heurts entre manifestants et forces de l’ordre. Une vidéo amateur, filmée à partir d’un bâtiment (voir ci-dessous), montre les brutalités commises par des policiers en uniforme, secondés par des individus en civil.
On y voit un homme au torse nu gisant inconscient par terre recevoir des coups de pied de la part de CRS avant d’être traîné sur plusieurs mètres par deux nervis habillés en tenue de ville. Plusieurs autres manifestants sont interpellés violemment, roués de coups et abreuvés de gifles. Une deuxième vidéo montre le même jeune homme, toujours inconscient, subir un autre violent coup de rangers dans la cuisse, également asséné par un CRS.
On voit aussi un policier faire usage d’une arme à feu, vraisemblablement un fusil à pompe, en direction de la foule. Devant l’indignation suscitée par la violence de ces images, la direction générale de la police nationale (DGSN) a ordonné, selon un communiqué officiel, l’ouverture d’une "enquête urgente" suite à la "diffusion d’une vidéo montrant des agissements d’individus en tenue de police contraires à l’éthique professionnelle".
Vraie vidéo ou manipulation ?
Le commissaire divisionnaire, Djilali Boudalia, estime dans le même communiqué que "le contenu de la vidéo montre des agissements inadmissibles et portant préjudice au corps de la police, quelles qu’en soient les motivations". Le patron de la police, qui a souvent évoqué le concept de "gestion démocratique des foules" pour démentir les accusations de violences policières, a également ordonné de "prendre toutes les mesures disciplinaires et légales qui s’imposent contre toute personne qui porte atteinte à la dignité du citoyen et à l’éthique professionnelle".
Si elle provoque colère, consternation et condamnation depuis sa mise en ligne, la vidéo ne suscite pas moins doutes et suspicions concernant le lieu et la date de son tournage. Certains estiment que les images remontent au printemps 2001, qu’il s’agirait d’un montage grotesque pour discréditer la police algérienne, tandis que d’autres jurent qu’elles ont été tournées en Égypte ou en Tunisie. Manipulation ou vraies images ?
La brutalité des images rappelle les douloureux souvenirs de la révolte qui a embrasé la Kabylie au printemps 2001.
Deux journalistes locaux, ayant requis l’anonymat et qui s’étaient rendus sur les lieux, confirment à Jeune Afrique que les images datent du dimanche 20 avril 2014. "Le quartier où a été tournée la vidéo était un chantier en 2001, explique ce correspondant d’un quotidien national. Les images ne pouvaient donc pas dater de cette époque-là."
Un autre journaliste affirme avoir retrouvé le lendemain du tournage les mêmes détails et objets (trottoir récemment refait, fanions de plusieurs couleurs accrochés entre les bâtisses, ordures ménagères…) qui figuraient sur les images de la bastonnade.
Située dans le quartier Mohamed Boudiaf du quartier "Nouvelle Ville" de Tizi Ouzou, la clinique "Radiologie" que l’on aperçoit sur la vidéo a été inaugurée en octobre 2003. Selon nos informations, l’enseigne qui y figure a été accrochée sur le mur de l’immeuble il y a de cela quatre mois.
La brutalité des images rappelle les douloureux souvenirs de la révolte qui a embrasé la Kabylie au printemps 2001 suite à l’assassinat d’un jeune lycéen, Massinissa Guermah, par un gendarme. Les manifestations et les émeutes y furent durement réprimées faisant plus 126 morts, principalement des jeunes. Face à l’ampleur de la contestation populaire, les autorités ont été contraintes de démanteler plusieurs brigades de gendarmerie, ce corps de l’armée ayant été accusé d’être derrière une bonne partie des tueries.
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