La jeunesse algérienne tentée par le boycott massif de la présidentielle

Un des enjeux majeurs de la présidentielle algérienne du 17 avril est le taux de participation. Maintes fois appelée à s’exprimer, la jeunesse risque de ne pas se bousculer dans les bureaux de vote.

Lors d’une manifestation à Alger, le 12 février 2011. © Farouk Batiche/AFP

Lors d’une manifestation à Alger, le 12 février 2011. © Farouk Batiche/AFP

Publié le 16 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

"C’est votre devoir de voter, nous répète-t-on chaque jour. On me parle de devoir, mais où est mon droit ?", proteste Walid, un jeune Algérien de 28 ans. Désabusé et au chômage, comme beaucoup de jeunes de sa génération, il vit de petits boulots, de "bricolage" comme il dit. "Je n’irai pas voter et ce n’est pas la première fois. Je n’ai voté qu’une seule fois dans ma vie pour une APC [Assemblée populaire communale]. La politique ne m’intéresse pas du tout", lâche-t-il.

"Avec la question du 4e mandat ou sans, c’est kif kif. Le vote n’est pas quelque chose de sérieux", poursuit Walid. De fait, du quartier de Bologhine, où il vit, le monde politique semble lointain. "Personne n’est venu nous voir, aucun représentant des candidats. Ce n’est pas à moi de courir après leur programme", conclut-il.

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Les chiffres officiels annoncent pourtant un taux de participation de 75% lors de la précédente présidentielle, en 2009. Un chiffre étonnant au regard du poids des jeunes dans la société – 60% des 38,7 millions d’Algériens ont moins de 30 ans – et de leur désintérêt général vis-à-vis du système politique en place.

"La jeunesse se désintéresse de la politique", confirme le politologue Rachid Tlemçani. Le taux de participation réel ne dépasse pas les 20%", ajoute-t-il. Selon lui, la fraude électorale concernerait d’abord les chiffres de participation, un grand enjeu pour le pouvoir. Pendant la campagne, les représentants du président Abdelaziz Bouteflika et des autres candidats n’ont d’ailleurs cessé de répéter le même leitmotiv à la population, à savoir, en substance, que "l’essentiel est de participer". Pas sûr que cela motive les foules pour une élection qui semble jouée d’avance, y compris pour les principaux rivaux de Bouteflika eux-mêmes

Politisation très forte

"Je n’ai jamais voté et je ne vais pas commencer cette année", explique de son côté Ryma, 22 ans, étudiante en deuxième année d’architecture à Blida. "Je ne m’intéresse pas à la politique, poursuit-elle. Et puis, le vote n’a pas de valeur ici. Je suis réaliste ! Je n’imagine pas que quelque chose de bien puisse arriver et je préfère occuper mon temps à autre chose".

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"Les jeunes sont anti-système et ne s’intéressent pas à la politique parce qu’ils savent que la fraude est massive. Mais en même temps, ils sont très politisés, contrairement à ce qu’on raconte. C’est même pour cette raison qu’ils ne participent pas aux élections", explique Rachid Tlemçani. Certains se sont même engagés dans le mouvement Barakat (pour le boycott du scrutin), comme Anis, 23 ans, étudiant en pharmacie à la faculté centrale d’Alger, qui manifeste régulièrement près de son université depuis l’annonce de la candidature de Bouteflika. "J’ai décidé de ne pas cautionner cette mascarade parce que l’élection est jouée d’avance. Le trucage électoral a déjà commencé. Je voyais cette élection comme une opportunité de changement, puis elle s’est transformée en cauchemar", regrette-t-il.

Manque de proximité, campagne vide, méfiance, scepticisme… Les raisons de ne pas se rendre aux urnes sont nombreuses pour les jeunes Algériens. En 2014, le taux d’abstention sera plus élevé encore, car le scrutin est très particulier", prédit Rachid Tlemçani. La jeunesse, elle, se tourne vers la société civile, ou encore vers le web où fleurissent les commentaires mordants sur Twitter et les parodies sur YouTube… Une autre manière de faire de la politique.

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Par Salsabil Chellali, à Alger
 

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