France – Mériam Rhaiem : « Ma fille est une otage » en Syrie

Fin 2013, sa fille de 24 mois a été enlevée par son père, parti faire le jihad en Syrie. Après avoir créé un collectif nommé « Jamais sans Assia », Mériam Rhaiem a lancé mercredi 9 avril avec plusieurs familles de mineurs français jihadistes une pétition nationale intitulée « Rendez-nous nos enfants ». Interview.

Mériam Rhaiem. © AFP

Mériam Rhaiem. © AFP

Publié le 14 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : votre mari a déclaré sur RFI la semaine dernière qu’Assia "n’était pas une otage" ? Quelle est votre réaction face à ces propos ?

Mériam Rhaiem : Je trouve ça intolérable, pour moi une petite fille qui est privée du regard de sa mère et se trouve dans un pays en guerre de groupes de jihadistes est forcément une otage.

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Pourquoi avez-vous décidé de participer à cette pétition ?

Je veux que le gouvernement agisse pour moi et pour toutes les familles. Les autorités doivent reconnaître qu’il y a aujourd’hui en France des comportements liés à une dérive sectaire. Ma fille a été emmenée par son père dans un groupe armé, pour moi c’est un endoctrinement, aucune religion prétexte cet acte-là.

En deux mois mon mari a été endoctriné.

Pourquoi dites-vous que votre mari a été endoctriné ?

Avant son pèlerinage à la Mecque, mon mari était un musulman pratiquant, très ouvert. Mais à son retour, tout a changé. On a commencé à utiliser son statut de pèlerin pour lui dire qu’il valait mieux que les autres et qu’en France il était dévalorisé. Au début, ça a commencé par le quartier, les radicaux lui disaient qu’il fallait regarder telle ou telle vidéo de propagande. Et là, il a basculé. Il a quitté son travail, il ne faisait plus rien à la maison. Dans sa tenue vestimentaire, dans sa condition physique, tout avait changé. En deux mois, il était endoctriné

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Comment avez-vous réagi ?

Quand j’ai vu ce qu’il se passait, j’ai voulu parler avec lui mais c’était impossible. J’ai essayé de sauver  mon mari mais je me suis séparée de lui quand Assia avait trois mois. Même séparés, il continuait à voir sa fille. Je savais qu’il regardait des vidéos de propagande sur le net mais jamais il ne m’a parlé de la Syrie. En fait, il cachait très bien son jeu. Le 14 octobre dernier, il a prétexté qu’il allait faire les courses avec ma fille et il a disparu avec elle.

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Qu’avez-vous fait après cette disparition ?

Je l’ai signalée à la police mais malheureusement en France il faut attendre cinq jours pour porter plainte pour soustraction d’enfant. Pourquoi ce délai ? Pourquoi a-t-il fallu deux mois pour qu’on lance un mandat d’arrêt international contre mon mari ? Pourquoi ne considère-t-on pas ma fille comme une otage ? À la suite d’un appel de mon mari en janvier dernier au cours duquel il m’a dit : "Je préfère qu’elle meure en martyr plutôt qu’elle revienne en France", j’ai renouvelé mes appels à la police mais on m’a dit qu’on ne pouvait pas intervenir en Syrie.

Il faut que le gouvernement censure les vidéos de propagande accessibles aux plus jeunes.

Quel est votre attitude face aux autorités ?

Je ne sais plus quoi penser. Qu’attendent-ils de nous ? Qu’on aille chercher nos enfants en Syrie, qu’on risque nos vies ? Moi, je veux bien risquer ma vie pour mon enfant à condition d’être sûre de la reprendre.

Quel comportement le gouvernement  doit-il adopter ?

D’abord, le gouvernement doit assumer le fait que depuis janvier 2013, il y a une circulaire qui autorise les mineurs à se rendre à l’étranger sans autorisation parentale. Ensuite, il faut qu’il censure les vidéos de propagande accessibles aux plus jeunes. Ceux qui sont endoctrinés sont des mineurs et des jeunes entre 20 et 30 ans qui passent leur temps sur le net. Enfin, il faut des psychologues, des stratégies de prévention à destination des institutions dès le plus jeune âge pour que les gamins ne tombent dans la dérive sectaire.

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Propos recueillis par Stéphanie Plasse

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