RDC : où sont passés les centaines d’otages des ADF dans le Nord-Kivu ?

Enfants, médecin, prêtres, membres de MSF… Entre 2010 et 2013, des centaines de personnes ont été enlevées par les ADF dans l’est de la RDC. Au moment où la traque contre ces rebelles islamistes ougandais entre dans sa dernière phase, peu d’information filtre sur le sort des otages. Décryptage en deux points.

Le passage d’un véhicule blindé de la Monusco, dans la région de Beni, le 13 mars 2014. © Sylvain Liechti/Monusco.

Le passage d’un véhicule blindé de la Monusco, dans la région de Beni, le 13 mars 2014. © Sylvain Liechti/Monusco.

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Publié le 11 avril 2014 Lecture : 4 minutes.

"Personne ne sait où sont les otages", confie une source onusienne. Plus la traque contre les combattants des Forces démocratiques alliées (ADF) progresse sur le terrain, plus l’inquiétude croît concernant le sort des personnes enlevées ces dernières années par le groupe rebelle ougandais dans le territoire de Beni (est de la RDC).

  • Combien d’otages entre les mains des ADF ?

Depuis le début de l’opération "Sokola 1" contre les ADF, lancée par les Forces armées de la RDC (FARDC), appuyées par la brigade d’intervention des Nations unies, un chiffre, repris à son compte par le gouvernement, revient avec insistance : ils seraient "600 otages" entre les mains des insurgés islamistes ougandais. Mais pour la société civile locale, l’estimation officielle serait en-deçà de la réalité. "Entre juin 2010 et décembre 2013, nous avons documenté 894 cas d’enlèvement dans le territoire de Beni, principalement dans les secteurs de Beni-Mbau et de Ruwenzori, mais aussi dans la chefferie de Watalinga", détaille son porte-parole, Me Omar Kavota.

Des femmes sont utilisées comme esclaves sexuelles et des jeunes hommes comme porteurs de bagages.

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"Parmi les 894 enlèvements documentés, 250 concernent des cas d’enfants enrôlés de force, puis entraînés à commettre des actes terroristes par les ADF, qui les initiaient à l’islamisme dans leur ancienne base de Nadui, dans le parc de Virunga", souligne Omar Kavota. "Des femmes sont utilisées comme esclaves sexuelles et des jeunes hommes comme porteurs des bagages", ajoute un activiste local des droits de l’Homme.

>> Lire aussi : qui est Jamil Mukulu de l’ADF, le rebelle islamiste du Nord-Kivu ?

Un médecin, trois prêtres et quatre membres de MSF

Dans le lot des victimes, on retrouverait également un médecin, Dr Paluku Mukongoma, responsable de l’hôpital général d’Oïcha, kidnappé début juillet 2011 à son cabinet de travail par des hommes armés non identifiés. Idem pour trois prêtres congolais enlevés, le 19 octobre 2012, dans le couvent de la paroisse catholique Notre Dame des pauvres de Mbau, à 25 km au nord de la ville de Beni. Et plus récemment, quatre membres de Médecins sans frontières (MSF) ont été enlevés, le 11 juillet 2013, à Kamango, localité située à 80 km au nord-est de la ville de Beni.

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Durant neuf mois, MSF s’est abstenu de communiquer sur ce kidnapping de peur d’anéantir les efforts déployés sur le terrain pour retrouver ses agents. Mais "aujourd’hui, au-delà des pistes qu’on continue à suivre et au regard de l’intensité des combats dans la région et de leur durée, nous ne pouvons plus nous permettre de rester silencieux, explique à Jeune Afrique Olivier Falhun, le chargé de communication à Paris de l’ONG humanitaire. Dans cette optique, un communiqué de presse a été publié le 8 avril appelant l’armée congolaise et la brigade d’intervention onusienne, engagées désormais dans la dernière phase de l’opération "Sokola", à prendre "toutes les précautions (…) pour que la protection des otages soit considérée comme une priorité".

  • Où se trouvent les otages ?

Depuis le lancement de l’offensive à la mi-janvier contre les rebelles ougandais, plusieurs bastions des ADF ont été récupérés l’un après l’autre par les forces gouvernementales, mais "jusqu’ici, aucune trace des otages", concède une source militaire au sein de la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco).

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"Il n’est pas exclu que les otages aient été déplacés dans d’autres endroits bien avant le début de la traque", ajoute notre source, assurant que "des dispositions nécessaires ont été prises contre les combattants ADF". Des troupes onusiennes de la base opérationnelle de l’Ituri se sont déployées à Tshabi et Idoru, dans le territoire d’Irumu, pour empêcher toute éventuelle infiltration des ADF dans la Province orientale voisine.

Une fosse commune découverte

Mais la découverte récente d’une fosse commune à Mukakati (jadis sous contrôle des ADF), confirmée par des sources militaires au sein de l’armée congolaise, fait craindre le pire. Des otages ont-ils été tués avant la fuite de leurs bourreaux ? Combien de corps y étaient-ils entassés ? Pour l’instant, aucun détail n’a filtré du côté des FARDC, ni de la Monusco. La société civile locale n’a pas non plus pu descendre sur le lieu pour mener des investigations. "Malgré la reconquête de l’axe Kamango-Mbau par les forces régulières, la région n’est pas encore totalement sous contrôle", se justifie Omar Kavota.

En attendant d’y voir clair, Kinshasa craint désormais qu’après la débâcle en cours des rebelles ougandais, ces derniers, "repliés dans de grandes agglomérations où ils se cachent grâce à l’entregent de leurs complices locaux", multiplient des "actes de terrorisme urbain". À l’instar de l’attentat à la bombe de fabrication artisanale qui a fait début avril à Beni six blessés, dont un militaire et un policier.

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Par Trésor Kibangula

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