Les bons filons du Burundi
Repris en main par le gouvernement burundais, le commerce de l’or est en plein essor. Mais c’est le nickel qui pourrait devenir la nouvelle manne du Burundi. Encore faut-il réussir à produire suffisamment d’énergie pour lancer l’exploitation…
Le 1er mars 2013, le président Nkurunziza annonçait la suspension de l’exploitation des mines d’or sur tout le territoire pendant deux mois. « Il s’agissait de mettre fin au désordre, à l’exploitation illégale et à la fuite de ce métal précieux vers l’étranger », explique Firmin Nikoyangize, conseiller du ministre de l’Énergie et des Mines. Les orpailleurs ont donc été sommés de se rassembler au sein d’associations, plus facilement contrôlables par l’administration.
Conditions de sécurité
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Second objectif : renforcer leur sécurité sur les sites d’extraction. L’exploitation de l’or se fait de manière artisanale, dans des conditions périlleuses. Les orpailleurs creusent des trous profonds, dont les parois sont mal consolidées. À l’intérieur, la ventilation n’est assurée que par un simple compresseur d’air. Les hommes y travaillent avec des outils rudimentaires et sont exposés au risque d’asphyxie ou de chute de pierres, aggravé par l’utilisation de dynamite pour faire exploser les rochers. « Les accidents étaient devenus fréquents, précise notre interlocuteur. Pour le seul mois de février, 7 personnes sont mortes, étouffées à l’intérieur d’un trou. »
Durant les deux mois de suspension, le ministre de l’Énergie et des Mines et celui de l’Environnement sont allés sur le terrain pour mener des campagnes de sensibilisation. Puis, comme prévu, le 1er mai, le président a levé l’interdiction de travail pour les associations d’orpailleurs ayant suivi ses injonctions : utiliser du matériel adéquat et clôturer les sites restés ouverts – les trous n’étant ni rebouchés ni indiqués clairement, les habitants risquaient à tout moment l’accident.
En 2012, plus de 2 400 kg d’or ont été extraits des mines du Burundi. Pour les comptoirs d’exploitation artisanale, le gain a été de quelque 63 000 000 de francs burundais (FBu) (environ 30 700 euros) ; il s’est élevé à près de 540 000 000 FBu pour les comptoirs d’achat et d’exportation. Au total, les recettes annuelles ont avoisiné les 600 000 000 FBu. Le gouvernement attend une forte augmentation dès cette année grâce au système d’associations professionnelles, qui permet un contrôle plus rigoureux… censé faire barrage aux fuites.
Le nickel pourrait par ailleurs bientôt devenir la nouvelle manne du Burundi. On sait depuis les années 1970 que le pays dispose d’énormes réserves de ce métal très recherché par l’industrie.
Les ressources nationales sont évaluées à 250 millions de tonnes (Mt) de minerai, dont 180 Mt dans le principal gisement, situé à Musongati, dans la province de Rutana (Sud-Est). Une société sud-africaine, Burundi Mining Metallurgy (BMM), a été chargée des travaux d’exploration.
Le démarrage de l’exploitation dépendra de deux éléments. D’abord, de l’énergie électrique disponible. Il faudrait 800 mégawatts (MW) : c’est beaucoup trop pour le Burundi, dont la capacité de production actuelle est de 36 MW (lire encadré). Ensuite, de l’existence d’un chemin de fer, indispensable pour exporter le nickel vers d’autres pays en passant par la Tanzanie.
L’acheminement de 1 million de tonnes de minerai suppose qu’au moins 500 camions circulent entre Musongati et Dar es-Salaam chaque jour, ce qui endommage les routes goudronnées. Le ministère des Transports analyse le traçage et cherche des bailleurs pour financer le projet.
Enjeu stratégique
Jusqu’à présent, aucun décret présidentiel n’autorise l’exploitation du nickel de Musongati. Une commission ad hoc est en train de réfléchir à une convention entre l’État burundais et la société sud-africaine BMM, précise Firmin Nikoyangize. Le gouvernement a tout intérêt à voir l’exploitation débuter dans les plus brefs délais. Car l’enjeu est stratégique pour le Burundi.
Le pays est toujours très dépendant de l’aide extérieure, qui diminue. La population autour de Musongati bénéficiera, de surcroît, de l’électricité, ce qui accélérera le développement de la région. « Tout dépendra de la disponibilité de l’électricité. Si, d’ici à la fin de cette année, le pays dispose d’au moins 50 à 100 MW, l’exploitation du nickel pourra commencer », estime le conseiller ministériel.
L’autre défi – et non des moindres ! – est que le gisement se trouve sur des terres cultivables, où vivent 337 ménages. L’épineuse question foncière en sera-t-elle exacerbée ? Nikoyangize se veut rassurant : « Cette question sera résolue. Le gouvernement agit dans l’intérêt général. »
Un projet à 800 mégawatts
L’exploitation d’un filon minier requiert de l’énergie… beaucoup d’énergie. Qu’il va falloir aller chercher, puisque le Burundi est très loin de disposer des 800 mégawatts (MW) nécessaires. Une première étape a cependant été franchie avec la signature d’un contrat de partenariat public-privé entre l’État (qui participera à hauteur de 20 %) et le holding sud-africain Kermas Limited (80 %), qui détient BMM, la société chargée des travaux de prospection.
Du côté de l’État, c’est la société Burundi Electricity Company (Beco) qui assurera la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance des centrales hydroélectriques, érigées sur les rivières Ruzibazi, Ruvubu, Ruvyironza, etc., et destinées à alimenter la future raffinerie de Musongati. Le potentiel hydroélectrique du pays est estimé à environ 1 200 MW.
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