Carte : droit à l’avortement, l’Afrique entre tabou et désinformation

Dans la majorité des pays d’Afrique, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est soumise à des conditions tellement strictes que l’avortement clandestin demeure la règle. Avec toutes les conséquences dramatiques sur la santé publique que cela implique.

De jeunes mères nourissent leurs nouveaux-nés, au Liberia. © GEORGES GOBET / AFP

De jeunes mères nourissent leurs nouveaux-nés, au Liberia. © GEORGES GOBET / AFP

Publié le 12 avril 2014 Lecture : 3 minutes.

Chaque jour ou presque, les migrants africains font la une des journaux. Une des conséquences directes de l’exil de nombreux hommes, souvent mariés avant leur départ, reste cependant très méconnue. Il s’agit des décès liés aux avortements clandestins, très fréquents sur le continent. Des femmes, abandonnées parfois pendant des années par leurs maris, sont confrontées à la honte d’une grossesse hors mariage. D’autres sont victimes de viols. D’autres encore sont simplement privées d’une éducation qui leur permettrait de faire le bon choix contraceptif. Mais quelle que soit leur raison d’avorter, presque toutes les Africaines ont le même point commun : elles sont confrontées à une législation qui entrave leur liberté de femmes.

Pourtant, il y a vingt ans, la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) qui s’est tenue au Caire prévoyait que les femmes du continent bénéficient de tous leurs droits sexuels et reproductifs. Aujourd’hui, l’immense majorité des pays africains sont encore loin de les respecter, et les femmes doivent remplir des conditions très précises pour pouvoir bénéficier d’un avortement qui est, dans la plupart des cas, tout juste toléré.

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Cliquez sur un pays pour faire apparaître ses informations relatives à l’avortement :


Sources : Unicef, OMS, Cia World Factbook, World Abortion Policies, ONU

La loi du tabou

Mais que la loi autorise l’IVG sous condition ne signifie pas pour autant que les femmes peuvent en bénéficier facilement. Nombreuses sont celles qui hésitent à déclarer viol ou inceste, par peur d’etre stigmatisées par leurs proches. Quant aux malformations fœtales qui pourraient justifier un avortement, elles sont rarement dépistées faute d’infrastructures sanitaires. Le manque de praticiens qualifiés est également un frein majeur.

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Conséquence : les avortements clandestins représentent 97% des IVG en Afrique, d’après le Guttmacher Institute. Ils peuvent parfois être réalisés dans de bonnes conditions par du personnel médical qualifié, mais il sont alors hors de prix. Quant aux femmes issues des classes sociales pauvres, elles pratiquent elles-mêmes l’avortement ou font appel à des guérisseurs. Introduction d’objets pointus dans l’utérus, de verre pillé ou de produits chimiques, ingestion de détergent, de soude ou de médicaments contre-indiqués… Les conséquences pour la santé sont dramatiques : en 2008, sur une estimation de 6 190 000 avortements clandestins, 29 000 femmes au moins ont perdu la vie.  


Cette infographie montre l’évolution de la mortalité maternelle, dans trois pays de même taille où la législation est différente.
Sources : Unfpa, OMS, Unicef

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Sur 287 000 morts maternelles par an, 165 000 ont eu lieu en Afrique, 111 000 en Asie, 1 200 en Europe,
8 800 en Amérique du Sud, 920 en Amérique du Nord et 540 en Océanie. Sources : Unfpa, OMS, Unicef

Manque d’information

Le manque d’information et d’accès à la contraception est souvent en cause dans les grossesses non désirées. Le préservatif, très largement diffusé lors des campagnes de prévention au VIH/sida est efficace mais pas toujours bien utilisé. Et si l’accès à la contraception se démocratise, il n’en reste pas moins que l’IVG demeure avant tout, pour les populations comme pour les décideurs, plus une question de droit moral que de santé publique. Un tabou.

Au final, le débat sur la question ne semble porté que par des ONG. "Interdire l’avortement ne l’empêche pas, explique une chercheuse pour le Centre population et développement (CEPED). Les femmes continueront d’avorter de façon clandestine. La seule différence, c’est qu’il y a celles qui ont les moyens d’aller dans des cliniques privées, et celles qui vont mettre leur vie en danger."

 
Des femmes enceintes attendent de se faire osculter, à la clinique de Médecins sans frontières, à Aweil,
au Soudan. Pour certaines, il faut deux jours de marche pour y arriver. © PHIL MOORE / AFP

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text-align:Elena Blum

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