Côte d’Ivoire : ce que l’on sait sur le décès d’Awa Fadiga
Le décès d’une jeune mannequin, Awa Fadiga, qui serait restée sans soins pendant de nombreuses heures dans un hôpital d’Abidjan, n’en finit pas de susciter la polémique sur les services de santé ivoiriens. Retour sur les faits.
Awa Fadiga, jeune étudiante-mannequin de 23 ans, est décédée mardi 25 mars au CHU de Cocody dans des conditions qui ont provoqué l’émoi en Côte d’Ivoire. La jeune-femme a été inhumée lundi 31 mars au cimetière de Williamsville à Abidjan, après autopsie. Une enquête a été ouverte et sa famille a reçu le soutien du gouvernement à travers la présence aux funérailles du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Hamed Bakayoko. Mais que s’est-il réellement passé ?
La nuit du dimanche 23 mars, Awa est agressée dans un taxi avant d’être projetée du véhicule sur l’échangeur situé en face du camp de gendarmerie d’Agban à Adjamé, selon un témoin qui n’a pu relever la plaque numérologique du taxi. "C’est à 22h passées qu’Awa a été conduite par les sapeurs pompiers de l’Indenie au CHU de Cocody. Elle n’a pas été violée ni agressée au couteau, son argent et ses pièces d’identité étaient là", confie son oncle, Mohamed Fadiga.
Mais Awa Fadiga n’a pu survivre à ses blessures et la question des soins qu’elles auraient (ou pas) reçus fait polémique depuis plus d’une semaine en Côte d’Ivoire. Une page Facebook intitulée "Awa fadiga, stop plus jamais ça" a déjà reçu le soutien de près de 22 000 personnes.
À même le sol
De fait, Mohamed Fadiga accuse le personnel médical du CHU de ne pas s’être bien occupé de sa nièce. "Ils n’ont pas pris soin d’elle parce que, selon le personnel, elle aurait été agitée", asssure-t-il. "Couchée sur la terrasse, il a fallu qu’une balayeuse du CHU [dont l’identité n’a pas été révélée, NDLR] vienne à son secours face à l’indifférence de tous en la nettoyant à même le sol", affirme-t-il.
En Côte d’Ivoire, les usagers des services hospitaliers sont obligés de payer leur facture avant de bénéficier des prestations de santé, même en cas d’urgence.
Selon Mohamed Fadiga, c’est cette balayeuse qui a rapporté les faits tels qu’ils se sont déroulés depuis le dimanche 23 mars, date d’arrivée de la victime. L’équipe soignante a-t-elle tardé à s’occuper de la jeune-fille ? "Son traumatisme crânien et son état de détresse respiratoire ont nécessité la prescription d’un examen scanographique d’urgence, effectué hors du CHU de Cocody en raison d’une panne d’appareil", se défend le ministère de la Santé. Une chose est sûre : le scanner a été réalisé le lundi à 15h30 au centre d’imagerie médicale de la Riviera (Cima) du Dr Ouattara Adame, selon les documents consultés par Jeune Afrique.
Autre problème : le délai pour alerter la famille. Le téléphone portable d’Awa s’était verrouillé et il a fallu que "la gendarmerie appelle l’operateur téléphonique, le lundi matin, pour leur demander la réinitialisation du code pour avoir enfin accès au répertoire. Et c’est à ce moment que la grande sœur d’Awa a appelé et est tombé sur les gendarmes qui lui ont demandé de venir dans leurs locaux a Adjamé" poursuit Mohamed Fadiga.
Vers une couverture médicale universelle ?
Il est aussi avéré qu’en Côte d’Ivoire, les usagers des services hospitaliers sont obligés de payer leur facture avant de bénéficier des prestations de santé, ce même en cas d’urgence avérée. Interpellé par l’opposition et les proches de la victime sur ce point, la ministre de la Santé Raymonde Goudou Coffie, gênée, s’est fendu d’un communiqué laconique pour défendre le personnel du CHU qui, selon elle, n’a rien à se reprocher.
"C’est le lieu d’appeler les uns et les autres au calme et au respect de la mémoire de cette jeune victime décédée suite à une agression inadmissible et intolérable qui n’engage pas la responsabilité des services de santé", écrit-elle. En réponse, Karim Ouattara, conseiller pour la jeunesse de Charles Konan Banny au sein de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation (CDVR) a demandé au ministre "de s’abstenir d’alourdir le deuil des parents et amis de Awa en cherchant à falsifier les faits". Le gouvernement a promis une couverture médicale universelle pour 2015, année de la prochaine élection présidentielle.
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