Mali : une enquête française vise un « parrain » corse lié à l’Afrique
Le quotidien français « Le Monde » daté de vendredi fait état d’une enquête lancée par la justice française contre Michel Tomi, homme d’affaires corse à la tête d’un empire industriel en Afrique. L’affaire inquiète les milieux diplomatiques et pourrait impliquer plusieurs chefs d’État du continent, dont Ibrahim Boubacar Keïta et Ali Bongo Ondimba. La présidence malienne a déclaré qu’IBK allait « étudier toutes les suites judiciaires possibles ».
Mis à jour le 29 mars 2013 à 17h02.
D’après Le Monde daté du vendredi 28 mars, les juges Serge Tournaire et Hervé Robert enquêtent depuis plusieurs mois sur l’homme d’affaires corse Michel Tomi, 66 ans. Au bout des ramifications de son empire industriel : l’Afrique et certains chefs d’État notamment, dont il serait très proche.
Selon le quotidien, la justice française, qui a ouvert une information judiciaire pour "blanchiment aggravé en bande organisée", "abus de biens sociaux" et "faux en écriture privée", soupçonne Tomi de blanchir en France une partie de l’argent gagné en Afrique. Et d’avoir impliqué dans son système quelques dirigeants locaux aujourd’hui au pouvoir.
Le Monde rapporte en particulier plusieurs scènes accablantes pour le chef de l’État malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK). La première remonte à avril 2012. Le futur président sort alors du restaurant parisien huppé "La Maison de la truffe" avec Michel Tomi avant de le serrer dans ses bras, le tout sous l’oeil de policiers en planque qui commencent à enquêter sur les liens entre les deux hommes. Dans les mois qui suivent, le "parrain" corse aurait "fournit des vêtements de marque" et payé à IBK "ses séjours à l’hôtel parisien La Réserve", le tout en mettant "à sa disposition des avions pour sa campagne présidentielle".
Déplacements et hébergement tous frais payés
Début septembre 2013, Michel Tomi aurait également assisté en toute discrétion à la cérémonie d’investiture d’Ibrahim Boubacar Keïta à Bamako. Les liens entre les deux hommes ne s’arrêtent pas là. Quelques mois plus tard, en décembre 2013, en marge du sommet Afrique-France à Paris, le président malien aurait effectué "un déplacement privé à Marseille", où il aurait été "pris en main par les hommes de M. Tomi". Et Le Monde de poursuivre : "plus récemment, du 8 au 10 février, M. Tomi héberge son ami, tous frais payés, dans une suite du palace parisien le Royal Monceau. Il lui procure aussi des véhicules haut de gamme".
L’industriel corse aurait par ailleurs sollicité Bernard Squarcini, ancien patron de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI, les services de sécurité intérieure français), désormais consultant en sécurité dans le privé, pour organiser la protection d’IBK. Enfin, selon Le Monde, le chef de l’État malien aurait aussi des parts dans la salle de jeu bamakoise du Fortune’s club, propriété de Michel Tomi.
Les autorités maliennes n’ont pas tardé à réagir. Un communiqué officiel des services de la présidence a affirmé qu’IBK allait "étudier toutes les suites judiciaires possibles, y compris en termes de mesures urgentes et à titre conservatoire". "Cet article vise à salir l’honneur d’un homme, Ibrahim Boubacar Keïta. Les valeurs d’intégrité et de rigueur morale du président malien n’ont jamais été remises en cause, et ce par qui que ce soit ", poursuit le communiqué.
Au Gabon, une influence réduite
Les liens de Michel Tomi ne s’arrêtent évidemment pas au Mali. L’homme d’affaires corse est aussi très implanté au Gabon (casinos, boîtes de nuit, PMU, immobilier, aviation de luxe), au Cameroun ou au Tchad, entre autres.
Des écoutes téléphoniques datant de 2007 ont mis en lumière "ses relations privilégiées avec la famille du président gabonais d’alors, Omar Bongo, et donc avec son fils, Ali, à l’époque ministre de la Défense", poursuit le quotidien français. Si c’est grâce au sulfureux homme d’affaires qu’Ali Bongo Ondimba et sa femme Sylvia passent des vacances sur un yacht à Corfou (Grèce) en juillet 2013, la puissance de la famille Tomi "a reculé à mesure que celle du directeur de cabinet d’Ali Bongo, Maixent Accrombessi, grandissait", nuance Le Monde.
La vérité est ailleurs : depuis son élection, Ali Bongo Ondimba s’emploie à tracer son propre sillon. Parfois sans ménagement, ce qui n’est pas le cas avec la famille Toumi (Jean-Baptiste, 56 ans, épaule son père atteint d’une sclérose en plaques). Mais les liens historiques, quasi familiaux, n’engendrent plus automatiquement l’influence de naguère.
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Benjamin Roger et Vincent Duhem
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