RDC : les effets pervers de la « loi Obama » au Kivu

Dans le documentaire « Obama’s Law », dont la sortie est prévue en septembre, une équipe de chercheurs, spécialisés sur les Grands Lacs, tente de démontrer « l’impact négatif » de la « loi Obama » sur les minerais de conflit dans le Kivu. Leur démarche : donner la parole aux Congolais.

Tournage du documentaire Obama’s law à Shabunda (est de la RDC), février 2014. © Obama’s law

Tournage du documentaire Obama’s law à Shabunda (est de la RDC), février 2014. © Obama’s law

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Publié le 24 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

Que faire pour mettre fin au cycle interminable des conflits armés dans l’est de la RDC ? À cette question cruciale, le Congrès américain a adopté en juillet 2010 la section 1502 de la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street et de protection du consommateur (Dood-Frank Wall Street reform and consumer protection act). Une disposition qui oblige les entreprises américaines à divulguer chaque année la provenance de leurs matières premières pour décourager l’exploitation et le commerce des minerais issus des zones contrôlées par les groupes armés dans le Kivu.

Seulement voilà, trois ans après son adoption, cette obligation légale américaine dite "loi Obama" en RDC ne semble pas avoir produit tous les effets escomptés, selon le chercheur britannique Ben Radley, producteur du documentaire "Obama’s law" en cours de tournage. Pour lui, "la ‘loi Obama’, adoptée sans consulter en amont la société civile du Kivu et des experts congolais, est déconnectée des réalités du terrain".

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Bande annonce de "Obama’s law".

Le problème du Kivu est beaucoup plus complexe. On ne peut pas le réduire à la question des minerais de conflit.

Ben Radley, producteur du documentaire "Obama’s law"

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"Embargo de fait"

Ben Radley et son équipe reprochent notamment aux stars-activistes qui ont mené des lobbys aux États-Unis et en Grande-Bretagne de ne s’être limités qu’à une "approche concentrée sur les minerais de conflit", sans tenir compte des "perspectives congolaises" sur la question. "Le problème du Kivu est beaucoup plus complexe. On ne peut pas le réduire à la question des minerais de conflit et laisser de côté les implications politiques de la crise", confie Ben Radley à Jeune Afrique.

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"Au début de l’application de la loi Dodd-Frank en RDC par exemple, il n’existait aucun système de traçabilité dans le pays. Conséquence : sans le vouloir, ‘Obama’s law’ a entraîné un embargo de fait sur les minerais du Kivu. De nombreux comptoirs ont fermé et beaucoup de creuseurs ont ainsi rejoint les milices locales pour tenter de survivre, armes à la main sur le dos de la population civile", ajoute-t-il.

"La loi Dodd-Frank a donc eu un impact négatif sur le terrain : augmentation de la fraude et de la contrebande – surtout concernant l’or, plus facile à être exploité et commercialisé illégalement, détérioration des conditions de vie de nombreuses familles qui ne dépendaient que de l’exploitation artisanale des mines, …", accuse Ben Radley qui a décidé, lui, dans son documentaire, de "donner la parole aux premiers concernés, les Congolais".

La sortie du documentaire "Obama’s law", financé notamment par le gouvernement suisse, est prévue vers le mois de septembre. "Depuis février, nous avons terminé le tournage au Congo par l’étape de Shabunda. Nous avons pu suivre certains jeunes, creuseurs avant la ‘loi Obama’, aujourd’hui devenus miliciens des Raïa Mutomboki [un de groupes armés locaux encore actifs dans le Kivu : voir notre carte interactive, NDRL]", explique Ben Radley. Le tournage se poursuit par ailleurs aux États-Unis où l’équipe d’"Obama’s law" continue à suivre les différents activistes et lobbyistes pour "démontrer la déconnexion entre les plaidoyers faits à Washington et les réalités du terrain dans le Kivu".

En attendant, à Goma, s’est ouverte le 24 mars la deuxième conférence nationale sur les mines en RDC. L’occasion pour le gouvernement congolais de rassurer ses partenaires internationaux sur la "gestion durable et transparente des ressources naturelles de la RDC post-conflit". Car, à ce jour, "seuls 5 % de quelque 800 à 900 sites miniers dans l’est de la RDC sont certifiés", rappelle Ben Radley qui travaille depuis 2009 sur les questions liées à la gouvernance des ressources naturelles et l’exploitation minière artisanale dans la région des Grands Lacs.

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Par Trésor Kibangula

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