Présidentielle algérienne : pourquoi les candidats sont-ils aussi nuls… sur internet ?
Ce n’est sans doute pas sur internet que se jouera l’élection présidentielle algérienne. Certes les opposants à un quatrième mandat d’Abdelaziz Bouteflika tentent de s’y mobiliser, mais la campagne 2.0 ne décolle pas, en partie du fait de l’absence de stratégie numérique chez les candidats.
Vous vous rendez sur la page www.bouteflika2014.com, prêt à visiter le site de campagne d’un candidat à la présidentielle algérienne qui, à 77 ans, aurait pris la mesure de l’impact d’internet sur le scrutin. Vous faites fausse route. En réalité, les équipes d’Abdelaziz Bouteflika ont oublié d’acheter les noms de domaine correspondant à leur candidat. www.bouteflika2014.com est certes dédié au président sortant mais c’est un faux site officiel qui milite pour sa défaite et pour le boycott de l’élection présidentielle.
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Vous essayez alors d’accéder au site de campagne de son principal adversaire, Ali Benflis, en surfant jusqu’à l’adresse www.alibenflis2014.com. Nouvelle déconvenue. Cette fois, aucun opposant au candidat n’a pris possession du lieu mais c’est une page quasiment vierge qui vous accueille. Pas de trace d’Ali Benflis.
Capture d’écran du site www.bouteflika2014.com
Anecdotique ? Pas vraiment. Sur les six candidats à la présidentielle algérienne, aucun ne semble avoir réellement de stratégie de campagne sur internet. Certes, Abdelaziz Bouteflika et Ali Benflis disposent de sites officiels, qu’il n’est pas si simple de dénicher, mais leurs adversaires se contentent, au mieux, d’une page Facebook. Résultat, le combat en ligne à six qu’on aurait pu attendre tourne au duel.
Un "match" Bouteflika vs Benflis
Dans cet affrontement numérique, c’est l’équipe de Bouteflika qui remporte la partie. Avec une "web tv", elle réussit à se démarquer. Fort d’une interface sobre et efficace, le site www.abdelaziz-bouteflika.com diffuse des informations en direct, l’agenda du président et, surtout, communique (tant bien que mal) sur le bilan des "15 ans d’action" du président sortant. Il aura tout de même été piraté vendredi 21 mars, contraignant la direction de la communication à le fermer momenténament. Du côté de Facebook, le candidat peut compter sur une page qui culmine à 260 000 fans.
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En face, Ali Benflis "se contente" de 145 000 fans sur sa page Facebook. Un chiffre honorable tandis que son site de campagne, www.benflis2014.dz, est plus minimaliste que celui de son adversaire principal. Leur seul rival disposant d’une page Facebook officielle, Abdelaziz Belaïd, candidat du Front El-Moustaqbal, est bien loin, avec ses 2001 fans.
Avec plusieurs actualités par jour, en arabe et en français, les deux principaux prétendants ont semble-t-il à cœur d’être présents sur le réseau de Mark Zuclerberg. Mais ce n’est pas réellement le cas sur l’autre réseau social américain, Twitter. Certes Ali Benfils est en tête ici avec le compte @Benflisdz, mais avec 50 tweets pour 377 abonnés, il n’a rien d’une machine de guerre. Il peut nénmoins se consoler en se disant qu’il fait toujours mieux que les 8 tweets pour 22 followers de @BOUTEFLIKACOM.
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Anti-Bouteflika, une timide lame de fond sur internet
Pourtant, ces dernières semaines, après l’annonce, le 22 février, de la candidature d’Abdelaziz Bouteflika, les réseaux sociaux se sont fait la caisse de résonnance du mécontentement de nombreux Algériens.
Sur Twitter, le mouvement Barakat, "ça suffit" en français, a fait parler de lui avec les hashtags #barakat et #bara4 qui sont utilisés plusieurs centaines de fois par jour, souvent associés aux hashtags #Bouteflika et #DZ2014. Mais c’est sur Facebook que la le mouvement de contestation a été le plus populaire. Lancé initialement pour organiser des rassemblements sur le terrain contre le quatrième mandat de Bouteflika, il y est devenu de plus en plus visible : lancée le 2 mars, la page Facebook atteint aujourd’hui 28 000 fans et de nombreux groupes ont été créés par la diaspora, à Paris, Montpellier ou encore aux États-Unis.
Nombre d’utilisations des hashtags #bara4 et #barakat
Nombre d’utilisations du hashtag #dz2014
Une campagne déconnectée
"Les mouvements qui organisent des actions sur le net, comme le mouvement ‘Barakat’, sont essentiellement initiés par des jeunes", explique Lilia Oufella, journaliste chez TSA Algérie. "Mais depuis quelque temps il y a une certaine prise de conscience du rôle que jouent les réseaux sociaux, ajoute-t-elle, certains utilisateurs de Facebook et Twitter utilisent des pseudos et commentent beaucoup de publications pour défendre Bouteflika". À croire que les partisans du président ne veulent plus déserter ce terrain de campagne. "En panique, le FLN vient de demander à ses militants d’investir les réseaux sociaux et de défendre leur champion", expliquait ainsi, fin février, un journaliste du site de partage ChoufChouf.
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La riposte reste bien timide cependant. Le hashtag #OuiAUn4eMandat a tout de l’ectoplasme numérique, et le compte @Bouteflika_2014, qui se targue d’être un des principaux soutiens du président sortant, n’a pas beaucoup plus de poids avec ses 74 malheureux followers. Symbolique de cette incapacité à fédérer en ligne, la page "Un million de J’aime pour soutenir Bouteflika" reste un échec cuisant avec un score qui plafonne à un peu plus de 20 000 fans. Une broutille si l’on compare les scores de l’humoriste Fellag ou du rappeur Lotfi Double Kanon qui rassemblent sur YouTube des centaines de milliers d’internautesautour de leurs textes vilipendant le président sortant.
"Internet, c’est le fléau du pouvoir algérien", expliquait récemment Lotfi Double Kanon, lors d’une conférence de presse. Impossible, pour le moment, de lui donner raison, même si le déséquilibre entre les anti et les pro-Bouteflika est réel. Même du côté de la contestation, on est encore loin d’un printemps algérien numérique et la campagne algérienne reste désespérément déconnectée.
Les mots du web
"El herda elrabia" : qui signifie "quatrième désastre", allusion à un possible quatrième mandat de Bouteflika.
"Mahzala" : qui signifie "mascarade", pour désigner le scrutin.
"Barakat" : "ça suffit".
"Tab Djnanou" : en référence au discours de Sétif prononcé par le Président en 2012, qui avait utilisé cette expression pour dire que le temps de sa génération était révolu.
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Par Mathieu OLIVIER
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