Maintien de la paix : Centrafrique, Mali, RDC… dernières nouvelles du front
Accords de défense, de coopération, initiatives destinées à améliorer l’efficacité globale des forces… Tour d’horizon des dernières nouvelles du front du maintien de la paix sur le continent, en février et mars 2014, par Laurent Touchard*.
*Laurent Touchard travaille depuis de nombreuses années sur le terrorisme et l’histoire militaire. Il a collaboré à plusieurs ouvrages et certains de ses travaux sont utilisés par l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis.
De février à la mi-mars 2014
Au cours du mois et demi écoulé, relativement peu de contrats d’armement sont anticipés ou ont été signés en Afrique. Ce qui n’empêche pas de futurs marchés d’importance, à l’instar de deux nouveaux sous-marins pour l’Algérie et, plus encore, de la modernisation de la défense aérienne égyptienne par la Russie, pour une somme estimée à plusieurs milliards de dollars… Peu de contrats, donc. En revanche, l’actualité est riche en accords de défense, en coopération, en initiatives destinées à améliorer l’efficacité globale des forces.
>> Lire aussi : Les coulisses de la défense africaine (février-mars 2014)
UNION AFRICAINE
• Coopération : la quatrième conférence des chefs des services de renseignements et de sécurité se tenait à Niamey le 17 février. Y ont participé l’Algérie, le Burkina Faso, le Tchad, la Côte d’Ivoire, la Libye, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria et le Sénégal. Étaient également représentés différentes structures régionales dont le Centre africain pour l’étude et la recherche sur le Terrorisme (CAERT), l’Unité de fusion et de liaison (UFL), le Comité des services de renseignements et de sécurité d’Afrique (Cissa en anglais) et bien entendu, l’ONU. Menée dans le cadre du Processus de Nouakchott, cette conférence porte sur les défis sécuritaires en ce début d’année 2014, la nécessité de la coopération entre États africains. Il s’agit de contrer efficacement le terrobanditisme qui, lui, ne s’embarrasse pas des frontières. À ce titre il s’impose de développer un système d’échanges d’informations sécurisés. La date de la prochaine conférence n’est pas encore fixée, mais elle aura lieu au Burkina Faso, à l’invitation du pays.
• Exercice stratégique : Amani Africa II se déroulera au Lesotho en octobre 2014. Il permettra de déterminer le degré de préparation des mécanismes de la Force africaine en attente (FAA) qui, en théorie, devrait être totalement opérationnelle en 2015.
CENTRAFRIQUE
• ONU et UE : Le 28 janvier, le Conseil de Sécurité de l’ONU autorise l’Union européenne à déployer des troupes en Centrafrique afin d’y renforcer les 1 200 Français expédiés dans le cadre de l’opération Sangaris, lancée au cours de la nuit du 5 au 6 décembre 2013 (environ 400 hommes se trouvaient déjà à Bangui au sein du dispositif Boali).
L’UE prévoit alors un modeste (pour ne pas dire "misérable") contingent de 500 hommes. Soit un nombre bien insuffisant au regard des besoins estimés, fin janvier/début février à 12 000 soldats… Il n’en reste pas moins que le budget pour le déploiement européen est important : 40,2 millions de dollars…
COMMUNAUTÉ DE L’AFRIQUE DE L’EST
• Force d’intervention régionale : le général Julius Karangi, chef des forces de défense kényanes, réclame la création d’une force d’intervention régionale afin de ne plus dépendre de l’étranger (hors-Afrique) pour la résolution des problèmes dans la zone. Diplomatiquement, il explique que si l’aide internationale est appréciée, les Africains doivent eux-mêmes assumer les responsabilités qui sont les leurs et qu’ils en sont capables. En témoignent les efforts accomplis en Somalie. Il regrette néanmoins que la CAE n’ait pas été en mesure d’agir avec une force dédiée lors de la crise au Soudan du Sud.
• Patrouilles conjointes : Addis Abeba et Khartoum vont constituer des unités communes pour patrouiller le long de la frontière entre les deux États. A priori, afin d’optimiser l’efficacité de cette force, les militaires éthiopiens et soudanais qui la composeront recevront un entraînement commun. Initiative qui s’inscrit totalement dans la logique défendue par Julius Karangi (voir ci-dessus).
COMMUNAUTÉ DES ÉTATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
• Retour sur la crise malienne : un séminaire pluridisciplinaire est organisé par la Cedeao, à Akosombo (Ghana) afin de tirer les leçons de la crise malienne aussi bien sous l’angle militaire que sous ceux de la diplomatie, de l’humanitaire, de la communication et de la coopération. Initiative utile pour établir clairement ce qui n’a pas fonctionné en 2012 et ainsi, consolider l’Architecture de paix et de sécurité en Afrique (Apsa). Les résultats des travaux sont sans surprise, réaffirmant l’importance de la réactivité et de l’efficacité des réponses à apporter à une situation d’urgence.
Ainsi que l’explique le Directeur des affaires politique du ministre des Affaires étrangères ghanéens : "Les développements qui sont survenus au Mali, aussi tristes soient-ils, sont un bon cas d’école pour nous aider à mettre de l’ordre dans la maison et ne pas retomber dans les mêmes ornières". À l’échelle du continent, la crise Centrafricaine fait quelque peu mentir son propos…
• Contre la piraterie : des responsables de la défense se sont retrouvés le 8 février en Guinée Bissau pour discuter de la coopération en matière de sécurité entre la Cedeao et la Communauté économique des États d’Afrique Centrale (CEEAC), en particulier au sujet de la piraterie dans le golfe de Guinée, avec l’idée de créer un centre de surveillance maritime de la zone.
• Journalisme et civisme : la Cedeao sollicite le soutien des journalismes pour lutter contre la prolifération des armes légères de petit calibre. L’organisme régional organise, à partir du 5 mars, un séminaire de formation au sujet des ALPC afin de mieux en appréhender la problématique. À cette occasion, le représentant de la Cedeao explique que les médias sont "un partenaire stratégique". L’initiative mérite d’être soulignée et encouragée.
EUROPE
• Anticipation : l’Espagne prête une attention croissante à l’Afrique en terme de problématiques de la défense et de sécurité.
MALI
• Plus d’instructeurs allemands : moins de deux-cents allemands sont déployés en soutien de la Misma et de l’EUTM. Une centaine (sur un maximum de 180) est ainsi à pied d’oeuvre au Mali où ils contribuent à former la nouvelle armée nationale. Soixante-dix autres sont basés au Sénégal d’où ils effectuent des missions de transport aérien au profit de la Minusma. En théorie, les instructeurs appartenant à l’EUTM ne doivent rester que jusqu’en juin 2014. Cependant, cette présence pourrait être étendue jusqu’en février 2015 tandis que le nombre maximum de militaires allemands au Mali pourrait être augmenté jusqu’à 250.
• Misahel : la Mission to Mali and the Sahel (Misahel ; Mission au Mali et au Sahel) de l’UA encourage les pays de la zone à renforcer leur coopération dans la dynamique du Processus de Nouakchott.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)
• Katanga : la Monusco prévoit de muscler son dispositif au Katanga, qui n’est composé que d’un bataillon béninois. Cette initiative fait suite aux sollicitations de l’État congolais et de responsables locaux auprès de l’ONU. Il s’agit notamment de protéger les populations civiles, mais aussi de permettre à Kinshasa de mieux contrôler une zone vitale pour son économie, riche en ressources naturelles. Cependant, réarticuler le dispositif onusien n’est pas chose aisée, alors même qu’il importe de s’assurer du total désarmement des ex-rebelles du M23. Tâche qui nécessite des effectifs importants.
SOMALIE
Des combattants shebab en Somalie. ©AFP
• Instructeurs allemands : l’envoi d’instructeurs allemands au profit de l’EUTM-Somalie est annoncé début février. Le programme de formation en Somalie, qui a servi de modèle à celui mis en place au Mali, a formé à ce jour 3 600 Somaliens. Si les résultats obtenus sont médiocres selon certains observateurs, au moins ont-ils le mérite d’exister. Reste que les efforts européens sont en général modestes, voire insuffisants, pour ce qui concerne le volet militaire, l’UE préférant miser pour l’essentiel sur le développement, oubliant par trop que l’un et l’autre sont complémentaires.
• Turquie : Mogadiscio et Ankara ont établi un protocole, signé le 27 février, pour l’entraînement de soldats somaliens en Turquie. Même si le fait est peu connu, une quarantaine de conseillers militaires turcs sont en Somalie. Ils forment les personnels des trois composantes d’une "nouvelle" armée somalienne.
• Explosifs : à compter du 10 février, 160 policiers somaliens ont été instruits à la gestion des explosifs découverts lors d’opérations de police, notamment pour assurer la protection des civils aux alentours. L’instruction a été menée dans l’enceinte de l’académie Général Kaahiye, sous l’égide de l’Amisom. Par ailleurs, des fonctionnaires du ministère de la Défense ont été formés par des conseillers de l’EUTM sur l’enregistrement des armes afin de contrôler correctement l’arsenal gouvernemental.
• Finances : l’Australie va octroyer 1,8 millions de dollars pour l’Amisom et 7,2 millions pour des programmes humanitaires en Somalie afin d’aider à la difficile stabilisation du pays.
• Centre d’opération conjoint : alors que les Shebab affichent un regain de "vitalité", le Centre conjoint des opérations a été réactivé à Mogadiscio. Il facilite l’échange d’informations et une cohérence d’actions entre les acteurs de la sécurité. Dans le même temps, la police somalienne, appuyée par l’Amisom est plus que jamais au travail dans la capitale.
La mise sur pied de nouvelles forces somaliennes demandera beaucoup de temps et d’efforts.
• Prolongation de la levée d’embargo : grâce à la résolution 2093, l’embargo sur les armes à destination des autorités somaliennes (et exclusivement de celles-ci, excluant donc les forces auxiliaires) était levé jusqu’en mars 2014… Un an plus tard, le 30 janvier 2014 le président somalien, Hassan Sheikh Mohamoud sollicite le Conseil de sécurité pour une prolongation de cette résolution. Ces armes, l’armée somalienne en a cruellement besoin. Toutefois, le problème ne réside pas uniquement dans les limites de l’équipement. Ainsi, le 4 février, le général Dahir Adan Elmi, commandant en chef, indique que 700 militaires ont été radiés pour avoir manqué à leur devoir… Ce dernier reconnaît d’ailleurs que la mise sur pied de nouvelles forces somaliennes demandera "beaucoup de temps et d’efforts".
• Accord de l’ONU : le 6 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU donne suite à la demande d’Hassan Sheikh Mohamoud avec la résolution 2142 qui précise que l’embargo ne s’applique pas aux armes destinées à la formation des forces gouvernementales somaliennes et à leur développement pour la protection des Somaliens, ce jusqu’au 25 octobre 2014, date à laquelle la situation sera réévaluée.
• Unité commando : une nouvelle unité commando de l’armée somalienne a reçu, le 6 mars, 15 véhicules donnés par le Département d’État américain.
• Renforts ougandais : Kampala annonce l’envoi de 410 hommes supplémentaires qui seront déployés à Mogadiscio dans le courant du mois de mars.
• Forces éthiopiennes : au moins l’équivalent d’une brigade mécanisée éthiopienne a intégré les forces de l’Amisom le 22 janvier. Soit 4 000 hommes, des chars T-55, des blindés Type 85 ou Type 89, des WZ551 (ou WMZ551) ainsi que des obusiers de 155 mm AH2, la majeure partie de cet équipement étant d’origine chinoise.
• Lutte contre la piraterie : le 1er février, navires sud-coréens et ukrainiens effectuent un exercice conjoint de lutte anti-piraterie au large de la Somalie, avec deux destroyers lance-missiles KDX-2 pour le pays du matin calme et la frégate lance-missiles Krivak III du côté ukrainien.
SOUDAN
• Darfour : le 12 février, un contingent gambien s’envole pour une mission de 12 mois au sein de l’Unamid.
SOUDAN DU SUD
• De la Côte d’Ivoire au Soudan du Sud : le bataillon ghanéen en Côte d’Ivoire a été redéployé au Soudan du Sud. Du Ghanbatt de l’Unoci, il devient le Ghanbatt 1 de l’Unmiss ("batt" pour "battalion"). Il s’agit de la troisième fois qu’un contingent d’Accra passe directement d’une mission à une autre. Exercice qui exige de bonnes capacités d’adaptation et témoigne d’un bon niveau des militaires nationaux : du Sinaï au Sud-Liban en 1979, du Liberia à la Sierra Leone en 1999.
• Force de protection de la CAE : Juba a proposé la création d’une force de protection de la capitale et des champs pétrolifères du Sud Soudan, par dix bataillons que fournirait notamment la CAE.
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Laurent Touchard
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>> Pour en savoir plus : consulter le blog "CONOPS" de Laurent Touchard
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