Génocide rwandais : verdict attendu dans le procès Simbikangwa

Après six semaines d’audience, la cour d’assises de Paris doit rendre ce vendredi son verdict dans l’affaire Pascal Simbikangwa. L’épilogue attendu d’un procès historique puisqu’il s’agit du premier tenu en France sur le génocide rwandais de 1994.

Photo d’archives non datée de Pascal Simbikangwa. © AFP

Photo d’archives non datée de Pascal Simbikangwa. © AFP

Publié le 14 mars 2014 Lecture : 3 minutes.

Le sort de Pascal Simbikangwa sera connu ce 14 mars à l’issue du premier procès organisé en France sur le génocide rwandais. L’accusation a demandé la perpétuité contre un "donneur d’ordre", "génocidaire négationniste". La défense a fustigé de son côté une accusation en "château de cartes" construit dans un but "politique" sur des "témoins pas fiables", guidés par la rancune, l’endoctrinement ou la peur, et elle a réclamé l’acquittement.

La décision revient au jurés français qui doivent trancher sur des faits qui se sont produits il y a deux décennies, à 6 000 kilomètres de Paris.

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"Enjeu politique" 

Agé aujourd’hui de 54 ans, cloué dans un fauteuil roulant depuis un accident en 1986, Pascal Simbikangwa nie en bloc les faits qu’on lui reproche. Il n’a eu de cesse au long des six semaines de procès de minimiser son rôle et sa compréhension des massacres à l’époque. À la stupéfaction générale, il a ainsi assuré dès le troisième jour n’avoir vu aucun cadavre pendant les 100 jours d’horreur où 800 000 personnes ont été massacrées, entre avril et juillet 1994. Une position frôlant l’autisme qui ne laissait en tout cas guère d’options sur la ligne de défense.

D’autant que dans cette affaire sans victimes directes (seules cinq ONG sont parties civiles), tout repose sur les témoignages. Fabrice Epstein et Alexandra Bourgeot, les avocats du prévenu se sont saisis des témoins les plus faibles – plusieurs étaient apparus formatés ou sous pression, prisonniers en attente d’une remise de peine par exemple – pour jeter le doute sur l’ensemble des témoignages à charge. Et, face à un procès dont "l’enjeu est politique", ils ont appelé à la révolte des six jurés populaires, accusant – hors prétoire – le président de la cour de vouloir "se faire l’accusé".

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"Hutu power"

Pour sa part, l’accusation a cherché à préempter ces doutes en abandonnant une partie des charges – notamment les crimes concernant la région natale du capitaine, Gisenyi dans le nord-ouest du pays, fief du "Hutu power" extrémiste -, pour mieux se concentrer sur Kigali, tout en faisant monter les enjeux.

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Car ce sont bien des témoignages sur Kigali qui ont été les plus gênants pour l’accusé. Et paradoxalement, surtout ceux de Tutsis qu’il a sauvés. Alors même que certains se confondaient en remerciements, ils ont donné une vision de l’intérieur, racontant l’avoir vu sortir régulièrement, afficher son autorité aux barrages où les miliciens le laissaient passer, maudire les "inyenzi" ("cancrelats" comme les extrémistes hutus désignaient les Tutsi) en écoutant Radio mille collines, faire plusieurs allers-retours vers Gisenyi, stocker des armes chez lui et les distribuer. Un petit voisin, âgé alors de 18 ans et qui l’a suivi tout du long, a évoqué de longues semaines "en enfer".

Accusé d’avoir armé et encouragé les miliciens qui tenaient les barrières, "instruments de mort chargés de filtrer, d’éliminer" les Tutsis, et le code pénal ne distinguant pas entre instigateurs et exécutants en matière de génocide, l’avocat général Bruno Sturlese a demandé la requalification des faits en génocide (qui ne changeait rien à la peine encourue) et complicité de crimes contre l’humanité, là où Pascal Simbikangwa était entré dans le box pour "complicité" des deux crimes.

Dans la matinée, c’est l’accusé qui aura le dernier mot, puis la cour se retirera pour délibérer après que le président Olivier Leurent aura lu un bref texte se terminant ainsi : "La loi ne leur fait (aux juges et jurés) que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ?"

(Avec AFP)

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