Sénégal : le gisement de Falémé, cadeau ou fardeau ?

La justice a donné raison à Dakar dans son conflit avec ArcelorMittal et lui a restitué ses droits sur le gisement ferreux de Falémé. Reste le plus difficile : trouver les moyens de l’exploiter.

Le gisement ferreux de Falémé a une capacité estimée à 25 millions de tonnes par an. © DR

Le gisement ferreux de Falémé a une capacité estimée à 25 millions de tonnes par an. © DR

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Publié le 23 septembre 2013 Lecture : 4 minutes.

Une nouvelle page se tourne dans l’histoire de Falémé. Le 3 septembre, la cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale de Paris a restitué au Sénégal ses droits sur la mine de fer située dans le sud-est du pays. Le tribunal arbitral a balayé les arguments d’ArcelorMittal. Le groupe sidérurgique, concessionnaire depuis 2007, avait justifié l’arrêt des opérations deux ans plus tard par la découverte de réserves prouvées moindres que prévu (630 millions de tonnes de minerai d’une teneur en fer variant de 40 % à 57 %, au lieu de 750 millions) et par ses difficultés financières : il affichait fin septembre 2008 une dette nette de plus de 30 milliards de dollars (environ 21 milliards d’euros). Le projet aurait dû créer plus de 10 000 emplois et rapporter chaque année 114 millions d’euros à l’État. Mais si le revirement de ces derniers jours a été salué par la presse sénégalaise, que va-t-il réellement apporter au pays ?

De 187 dollars en février 2011, les cours du minerai ont chuté à 127 dollars. Décourageant.

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Depuis quarante ans, l’exploitation du fer dans l’est du Sénégal bute principalement sur l’absence d’infrastructures. Pour développer le gisement de Falémé, situé à la frontière malienne, il faudrait en effet construire un port minéralier à Bargny-Sendou (au sud de Dakar) ainsi qu’une voie de chemin de fer d’environ 750 km le reliant au site minier. En 2007, ArcelorMittal, qui prévoyait également la réalisation d’une aciérie, évaluait l’ensemble du projet à 2,2 milliards de dollars.

Un investissement important, plus facilement envisageable à l’époque qu’aujourd’hui : au plus haut en février 2011, à 187 dollars la tonne, les cours du minerai de fer ont, depuis, chuté à 127 dollars. Sachant que le marché devrait entrer en surproduction l’année prochaine, Goldman Sachs estime qu’ils pourraient encore baisser jusqu’à 80 dollars en 2015. Un montant certes supérieur aux 37 dollars en vigueur au moment de la signature de la concession entre ArcelorMittal et l’État sénégalais. Mais « en ce moment, concernant les projets miniers, il est très difficile de trouver des financements, tant en dette qu’en fonds propres, et c’est particulièrement vrai pour le minerai de fer, où tout se joue en onshore et où les infrastructures sont souvent lourdes. Mais ces projets sont à long terme et on doit rester optimistes pour l’avenir », explique Stéphane Brabant, avocat au cabinet Herbert Smith Freehills. Qui résume : « à moins d’une production annuelle significative de minerai de fer, les projets sont très difficiles à monter et ceci notamment à cause du coût des infrastructures qui affecte leur bancabilité. »

25 millions de tonnes

Avec une capacité estimée à 25 millions de tonnes par an, Falémé a une carte à jouer, mais la partie ne sera pas simple. Deux possibilités s’offrent au gouvernement : chercher mine-de-faleme infoun partenaire capable de piloter et de financer l’intégralité du projet ou le scinder. La première piste semble vouée à l’échec : les quatre grands du secteur (Vale, Rio Tinto, BHP Billiton et Fortescue Metals Group), déjà engagés dans de vastes développements qui devraient aboutir à une augmentation de plus de 40 % de l’offre, ont peu de chances d’être intéressés. Rio Tinto investit ainsi massivement dans les gisements australiens de Pilbara, sans compter son méga-projet de Simandou, en Guinée. En octobre 2012, Marius Kloppers, alors directeur général de l’anglo-australien BHP Billiton, estimait d’ailleurs que la production de fer « au Brésil et en Australie suffirait à satisfaire la demande mondiale ».

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Reste donc la seconde piste : la scission du projet. « Il s’agirait de l’éclater en trois : la mine ; un port minéralier construit à travers un partenariat public-privé avec les industries sénégalaises ; et le chemin de fer, que l’on pourrait développer avec le Mali, pour l’exploitation du fer et de la bauxite [dans la ville malienne de Faléa]. Ces deux dernières installations vendront leurs services à la mine », explique Birame Diouf, directeur général de la Société des mines de fer du Sénégal oriental (Miferso).

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La piste avait déjà été évoquée au milieu des années 2000 par le précédent partenaire du projet, le sud-africain Kumba Resources (aujourd’hui Kumba Iron Ore). Pour être aussitôt refusée par l’État sénégalais… dont le Premier ministre n’était autre que le président d’aujourd’hui, Macky Sall. « Pour qu’un projet soit finançable, il faut avoir la certitude que le minerai sera extrait, transporté et exporté, souligne Stéphane Brabant. En le scindant, le risque est évidemment plus grand. Mais on peut envisager des solutions comme mettre en place des participations croisées, en donnant au minier une place dans le capital de la société exploitant le chemin de fer ou en lui laissant le rôle d’opérateur au moins pendant les premières années. »

Leçons

Du côté de Miferso, on dit avoir reçu plusieurs marques d’intérêt, sans citer de noms. Au plus haut niveau, on rappelle que Macky Sall, géologue de formation, a été ministre des Mines entre 2001 et 2003. Une façon de dire que Falémé fera partie des priorités, d’autant, comme le rappelle un proche du chef de l’État, que « le développement de la partie orientale du pays est stratégique ». Reste à faire les bons choix et à tirer les leçons de l’expérience d’ArcelorMittal : tandis qu’il gelait ses activités à Falémé, le groupe menait en effet à bien le développement de la mine libérienne de Yekepa. L’exploitation y a débuté en septembre 2011, et le sidérurgiste vise une production de 15 millions de tonnes dans deux ans. Mais au Liberia, les enjeux n’étaient pas les mêmes. Il n’y avait qu’à rénover les 240 km de chemin de fer, tandis que le port existait déjà… Maudites infrastructures !

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