RDC – Thierry Gaibene Bayllon : « La diaspora congolaise mérite des députés et un ministère »
Avant de revenir en RDC où il a été nommé bourgmestre de Matete en 2008, Thierry Gaibene Bayllon a vécu 27 ans en France. De passage en Europe pour conclure des jumelages avec d’autres communes, il a répondu aux questions de « Jeune Afrique ».
Mis à jour le 24/03/2014 à 19h49
Dans son pays, la RDC, Thierry Gaibene Bayllon est considéré comme un "mikiliste" : un membre de la diaspora. Il a habité en France 27 ans durant, fondant une affaire dans le secteur des services. De retour en RDC en 2008, ce militant du Parti du peuple pour le développement et la démocratie (PPRD, au pouvoir), a été désigné bourgmestre (maire) de Matete, la commune de Kinshasa qui l’a vue naître. Si son mandat dans une ville aussi frondeuse que Kinshasa n’est pas de tout repos, cela n’empêchera pas son poste d’être très disputé lors des prochaines élections locales. En visite en Europe, pour conclure des jumelages avec d’autres communes, il s’est confié à Jeune Afrique.
>> Lire aussi notre interview du député Patrick Muyaya Katembwe (RDC)
Jeune Afrique : le passage de chef d’entreprise à Paris à celui de bourgmestre à Kinshasa a dû être un choc. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Thierry Gaibene Bayllon : Matete est une commune qui a connu une chute dramatique. Par le passé elle avait toutes les infrastructures que l’on peut imaginer. Et quand j’ai repris les rênes, il y avait des ordures entassées depuis plus de 20 ans dans nos écoles. J’ai dû m’attaquer à tous ces problèmes presque sans moyens. Nous avons mis deux mois à les évacuer. Idem pour le stade de football. Et nous avons curé presque 15 kilomètres de caniveaux remplis d’immondices.
Notre marché, qui est le troisième de la ville de Kinshasa et qui permettait à ma mère de vivre, était dans un état de délabrement avancé. Grâce à plusieurs financements, j’ai créé un marché moderne de 2 640 étalages.
Une pétition a pourtant été lancée contre vous de la part des habitants de Matete…
Au début, je raisonnais vraiment en Européen. Cela a posé des incompréhensions avec la population. J’ai par exemple voulu restaurer l’autorité de l’État et changer certaines mauvaises habitudes : j’ai fermé une quinzaine d’églises évangéliques à cause de la pollution sonore. J’ai aussi fermé des bars. Un groupe de gens qui n’avaient pas compris, on dit : "le bourgmestre est méchant". Matete regroupe beaucoup de membres de l’opposition, mais, avec le temps, ils ont compris que c’était dans leur intérêt et les pétitionsistes ont disparu de la circulation.
Il semble qu’ils vous reprochaient notamment d’avoir nommé votre épouse comme gérante du marché.
Ce n’est pas moi qui nomme l’administrateur du marché. C’est une compétence du gouverneur de la ville.
Pour moi, c’est une autre province du Congo.
Êtes-vous menacés par les "combattants", ces opposants en exil qui parfois agressent les responsables congolais de passage, lorsque vous êtes en Europe ?
J’ai moi-même vécu à l’étranger pendant la plus grande partie de ma vie ! Pour moi, c’est une autre province du Congo. Quand les enfants revendiquent quelque chose, il faut que les parents écoutent. Il nous faut comprendre pourquoi ils se sont rebellés.
Ces gens-là ont participé au développement du Congo aussi. Pendant la deuxième république, le pays a survécu grâce aux Congolais de l’étranger et à leurs transferts de fonds. Les familles qui n’avaient pas d’enfants en Europe ont eu de sérieux problèmes. Je pense qu’on devrait aussi leur donner des députés à l’Assemblée et créer un ministère des Congolais de l’étranger.
Êtes-vous favorable à la double nationalité ?
Oui. On doit revoir la Constitution sur le point de l’exclusivité de la nationalité congolaise. Pourquoi ces enfants qui n’ont pas choisi leur pays de naissance sont-ils privés de leur pays le Congo ?
Moi je suis resté Congolais, mais mon fils est Français. Or il étudie au Congo, il aime le Congo.
On annonce les élections municipales bientôt. Allez-vous être candidat à votre succession ?
Je n’y pense pas encore car j’ai encore du travail à faire. Il y a d’autres décisions impopulaires à prendre. Il faut que je puisse en avoir le courage. D’abord travaillons et le moment venu, nous verrons avec mon parti.
Mais quel serait votre souhait ?
Je suis dans la politique. Un politicien qui n’a pas d’ambition, ça n’existe pas !
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Propos recueillis par Pierre boisselet
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