Ouganda : tirs groupés contre la nouvelle loi anti-homosexuels

Le chef de l’opposition ougandaise, Kizza Besigye, a critiqué mercredi la loi de pénalisation accrue de l’homosexualité promulguée lundi par le président, estimant que l’homosexualité n’était pas « occidentale » et que la nouvelle législation visait à détourner les esprits des problèmes du pays. Le même jour, secrétaire d’État américain John Kerry a comparé la nouvelle loi aux décrets antisémites de l’Allemagne nazie et aux lois racistes en Afrique du Sud sous l’apartheid.

Kizza Besigye, chef de l’opposition ougandaise, lors d’une interview à Kampala le 26 février 2014. © AFP

Kizza Besigye, chef de l’opposition ougandaise, lors d’une interview à Kampala le 26 février 2014. © AFP

Publié le 27 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Kizza Besigye, président du principal parti de l’opposition ougandaise, est l’une des premières personnalités d’Ouganda non issue des défenseurs de la cause homosexuelle à critiquer ouvertement la loi, adoptée à une écrasante majorité le 20 décembre par le Parlement ougandais et promulguée lundi par le président Yoweri Museveni. Cette loi interdit notamment toute "promotion" de l’homosexualité et rend obligatoire la dénonciation de toute personne homosexuelle.

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Selon le président du Forum pour le Changement Démocratique (FDC), des preuves documentaires attestent que l’homosexualité existait en Ouganda bien avant l’arrivée des Européens dans la région. "L’homosexualité est aussi ougandaise que n’importe quel comportement, cela n’a rien à voir avec les étrangers", contrairement aux affirmations des partisans de la loi, qui soutiennent que l’homosexualité est un comportement importé d’Occident.

L’homosexualité est aussi ougandaise que n’importe quel comportement, cela n’a rien à voir avec les étrangers.

Kizza Besigye, président du FDC

"À chaque fois que des questions posent problème dans le pays, on met le sujet sur la table et tout le monde parle d’homosexualité au lieu de se soucier des véritables problèmes", a martelé ce médecin militaire de profession. Il a énuméré pêle-mêle la hausse du taux d’infection au VIH et de la mortalité infantile, l’implication de l’armée ougandaise au Soudan du Sud ou les scandales de corruption.

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Duplicité des bailleurs occidentaux

Kizza Besigye, qui dénonce un harcèlement policier constant à son égard et des arrestations arbitraires, a néanmoins critiqué l’indignation des États-Unis et des pays européens, estimant que des droits humains "bien plus fondamentaux" que "le droit à l’orientation sexuelle" étaient violés quotidiennement en Ouganda. "Le droit à la vie est bafoué sans arrêt en toute impunité et ils sont muets", a-t-il ajouté, affirmant qu’une législation anti-homosexualité très sévère existait déjà depuis l’indépendance du pays mais n’avait jamais été appliquée.

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Plusieurs pays, dont les Pays-Bas, le Danemark, la Norvège et la Suède, ont annoncé le gel d’une partie de leur aide bilatérale à l’Ouganda en raison de la promulgation de la loi. Les bailleurs "devraient avoir coupé leur aide depuis longtemps à cause de droits plus fondamentaux, a poursuivi le président du FDC, alors pourquoi ne l’ont-ils pas fait ?" Selon lui, une telle attitude donne l’impression que les pays occidentaux ne défendent qu’un seul droit, "alors que quand d’autres droits de l’homme sont bafoués, ils s’en fichent".

Une loi "moralement mauvaise" selon John Kerry

Comme pour faire écho aux déclarations de Kizza Besigye, le secrétaire d’État américain John Kerry s’exprimait mercredi à Washington au sujet de la nouvelle loi ougandaise devant un parterre de journalistes. "Cette législation est comparable au traitement réservé aux juifs dans l’Allemagne des années 1930 ou aux noirs en Afrique du Sud au temps de l’apartheid dans les années 1950, 1960". Sans être très précis dans ses menaces, le département d’État a prévenu cette semaine que cela aurait des "conséquences" sur l’aide américaine de 485 millions de dollars par an alouée à l’Ouganda.

"Ce qui s’est passé en Ouganda est abject et cela nous met tous face à un énorme défi parce que les droits des personnes LGBT (lesbienne, gay, bi et trans) relèvent des droits de l’Homme, c’est aussi simple que cela. La promulgation de cette loi anti-homosexualité est moralement mauvaise", a martelé John Kerry, dont le gouvernement est en pointe pour la défense des droits des homosexuels dans le monde.

Il a toutefois reconnu que l’Ouganda n’était pas le seul pays à avoir une législation hostile aux homosexuels, mais que 78 pays avaient "des lois contraires aux droits de l’homme et à la nature humaine".

(Avec AFP)

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