L’Afrique Centrale à l’heure des partenariats gagnant-gagnant

Publié le 28 février 2014 Lecture : 4 minutes.

Le professeur Gaston Mandata N’Guérékata est ancien minsitre de la Recherche scientifique et Technique et porte-parole du président André Kolingba, doyen associé de la "Morgan State University", Baltimore, USA.

J’ai lu avec un très grand intérêt la contribution de l’ancien ministre d’État Camerounais chargé de l’Administration territoriale, Marafa Hamidou Yaya, parue dans Jeune Afrique le 11 février dernier. Elle participe selon moi d’une analyse instinctivement lucide mais politiquement erronée. Oui, j’en suis convaincu, la constitution d’un bloc compact de pays associés en Afrique Centrale apparaît comme la seule voie possible pour inscrire pleinement nos nations dans la dynamique de la mondialisation et mettre un terme aux décennies de chaos qui ont jalonné l’histoire de la République centrafricaine. Cette dernière apparaît systémiquement défaillante et, comme le pressentait Barthléméy Boganda, ne semble pouvoir exister qu’intégrée dans un ensemble plus grand qu’elle. Ce qu’il avait appelé, en son temps, les États-Unis d’Afrique Latine.

Un bloc compact de pays associés en Afrique Centrale apparaît comme la seule voie possible.

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Oui, l’association est notre avenir. Toutefois, si mon analyse rejoint, sur ce point, celle de Marafa Hamidou Yaya, elle s’en éloigne totalement sur la question du périmètre. Sa théorie des "deux océans", la construction d’un ensemble "allant du Cameroun au Kenya", pour séduisante qu’elle puisse paraitre sur le papier, est à mon sens condamnée par la réalité du terrain et par l’Histoire. Pour plusieurs raisons majeures. La première est d’ordre linguisitique. La seconde est monétaire. La troisième est culturelle. La quatrième est politique. L’on peut comprendre qu’il puisse exister au Cameroun une tentation du Commonwealth – après tout, ce pays en fait partie – et que certains y voient un moyen commode pour s’inscrire dans le processus ambitieux et prometteur de la fédération des États d’Afrique de l’Est en gestation.

Il est indéniable que cet ensemble, qui regroupe pour le moment le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Burundi et le Rwanda, qui souhaite atteindre le statut de fédération de plein exercice en 2015-2016, produise un fort pouvoir d’attraction sur certains courants dans les pays voisins. Tout laisse en effet penser que le dynamisme démographique de ses membres, la taille critique qu’attendrait ce bloc – 125 millions d’habitants, 1,8 millions de km2 – la stabilité relative des pays le constituant, et leur taux de coissance, seront en mesure, une fois réunis, de former un "émergent" particulièrement efficace. Pour autant, le Cameroun, la République du Congo-Brazzaville, la République Centrafricaine, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad sont francophones.

Il est important je crois de mesurer le frein considérable que représenterait une "partition" linguistique dans la construction d’un processus fédéral. De la même manière, si la fédération implique de consentir à certains abandons de souveraineté au profit de l’État fédéral – qui agit en retour au profit de tous ses membres -, abandonner ici et maintenant le Franc CFA serait contre-productif. Avec la langue française, le franc CFA est l’autre grand dénominateur commun sur lequel s’appuyer. Pourquoi repartir de zéro quand deux piliers aussi solides existent déjà ? Cela reviendrait, pour poser nos fondations, à délaisser la roche mère au profit de sols artificialisés, dont on sait trop qu’ils sont la cause de glissements de terrain en cas de fortes pluies…

L’Histoire Boganda-Opangault et l’amitié du peuple congolais à notre endroit m’incitent à l’optimisme.

Non, je ne crois pas à la théorie des deux océans, mais je crois à celle de la fédération des États d’Afrique Centrale sur la base de la Cemac, sans doute avec un groupe pilote d’États historiquement, culturellement et politiquement proches. Vu de la République centrafricaine, le Congo-Brazzaville et le Cameroun apparaissent à l’évidence comme le noyau dur idéal d’un projet de fédération, amené à grandir. Grâce à une adhésion du Tchad ? Je l’appellerai de mes voeux quand le moment sera venu, mais les événements récents imposent, avant d’entamer un tel processus, de lever les ambiguités et les malentendus qui ont brisé l’élan fraternel qui unissait nos deux peuples et qu’il nous appartiendra de retisser. Pour le moment, c’est trop tôt et, je le répète, vu de Bangui, nos deux partenaires naturels immédiats restent le Congo-Brazzaville et le Cameroun. Leur implication dans la tentative de réglement de la crise Centrafricaine, leur soutien permanent et positif au chevet de notre nation souffrante, notre culture commune, les qualifient au premier chef pour graver définitivement la stabilité de l’Afrique Centrale dans le marbre d’une constitution fédérale. Le Cameroun serait-il prêt à le faire ? Souhaitons-le. Le peuple congolais sera-t-il enclin à partager cette vision prometteuse, portée il y a 60 ans par Boganda, et soutenue, à l’époque, par un président installé à Brazzaville, Jean-Jacques Opangault ? L’Histoire Boganda-Opangault et l’amitié du peuple congolais à notre endroit m’incitent à l’optimisme.

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États stables, riches, qui se développent à vive allure, qu’auraient-ils à gagner en s’associant avec nous ? Si construire un état fédéral avec ces pays – avant d’être rejoints par d’autres – nous offrirait stabilité, ouverture maritime et transfert de technologies, que pourrions-nous, en retour, leur apporter ? Beaucoup de choses en vérité. Des ressources naturelles abondantes mais non encore exploitées (pétrole, diamant, or, uranium, cuivre, fer,…), une agriculture dynamique et 623 000 kilomètres carrés qui pourraient devenir le jardin de cette fédération. Si l’on se réfère à la théorie de la nation la plus favorisée, la qualité agriculturale de la République centrafricaine, qui n’est plus à démontrer, connectée à des infrastuctures de transports modernisées – créées serait plus juste – mettraient nos 30 millions de "ressortissants fédéraux" à l’abri du besoin et permettraient même d’envisager un secteur agroalimentaire excédentaire et exportateur. Partenariat "gagnant gagnant" contre tentation d’un ensemble politiquement artificiel ? Je vote sans hésitation pour la première solution, en espérant être bientôt rejoint par d’autres.

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À Bangui, le 24 février 2014

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