RDC – Ceni : campagne anti-Malumalu, le vrai du faux

La campagne « Malumalu dégage » se poursuit à Kinshasa. À l’initiative de la plateforme « Sauvons la RDC » qui regroupe plusieurs partis d’opposition et des associations de la société civile, une pétition circule depuis le 18 février dans les rues de la capitale congolaise pour réclamer la démission du président de la Ceni. À tort ou à raison ? Décryptage.

L’abbé Apollinaire Malumalu, président de la Ceni de RDC. © AFP

L’abbé Apollinaire Malumalu, président de la Ceni de RDC. © AFP

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Publié le 26 février 2014 Lecture : 5 minutes.

"Malumalu dégage". La plateforme "Sauvons la RDC" ne va pas par quatre chemins. Depuis le 18 février, ce regroupement de partis d’opposition exige, à travers une pétition, la démission du président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Mais que reproche-t-on à l’abbé Apollinaire Malumalu ? Six principaux griefs. Nous les passons au peigne fin pour tenter de démêler le vrai du faux.

1."L’abbé Malumalu ne jouit pas de la confiance de la classe politique" : FAUX

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Pour Martin Fayulu, député d’opposition et initiateur de la pétition, le président de la Ceni occupe son poste "par effraction". "L’église catholique ne l’avait pas désigné, car la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) avait à l’époque soutenu la candidature d’un laïc pour occuper la fonction, explique-t-il à Jeune Afrique. Mais l’abbé Malumalu nous a été imposé par la majorité mécanique à l’Assemblée nationale mais ne jouit pas de la confiance de la classe politique".

Seulement voilà, l’abbé Malumalu ne travaille pas seul. Au sein du bureau de la Ceni, il est entouré des autres personnalités issues des partis politiques de la majorité, mais aussi de l’opposition. Même la plénière de la Ceni comprend des délégués issus de cette dernière, lesquels ne se sont pas encore désolidarisés de l’abbé Malumalu. Il paraît donc inexact de prétendre que "l’abbé Malumalu ne jouit pas de la confiance de la classe politique", alors que, au même moment, les délégués de la majorité, de l’opposition et de la société civile l’accompagnent encore dans sa mission d’organisation des prochains scrutins.

Martin Fayulu répond à nos arguments par une pirouette. Pour le député, il est difficile d’envisager que les autres membres de la Ceni ne soutiennent pas Malumalu, car si ce dernier devait être éjecté, ils connaîtraient le même sort et perdraient donc leurs "indemnités"…

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2.Violation de la consigne de la Cenco : VRAI

La plateforme "Sauvons la RDC" reproche également à l’abbé Malumalu de "ne pas respecter le code de bonne conduite de l’Église catholique". À la mi-mai 2013, en effet, lorsque des rumeurs sur un éventuel retour aux affaires de Malumalu se propageaient à Kinshasa, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) avait tenu à rappeler une disposition commune des évêques sur la présence des ecclésiastiques – prêtres, religieux, frères, sœurs – dans l’organe chargé d’organiser les élections. "Sauf dérogation exceptionnelle d’un supérieur, il est interdit de prendre part à la Ceni, un statut de membre électoral étant incompatible avec leur vocation d’être au dessus des clivages politiques", confiait alors à Jeune Afrique l’abbé Félicien Mwanama, secrétaire général adjoint de la Cenco.

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Et à en croire plusieurs sources proches de la Cenco, Malumalu n’a jamais reçu cette autorisation expresse de son supérieur hiérarchique. En principe donc, ce dernier aurait déjà dû en tirer les conséquences et le sanctionner. Mais "celui-ci est un corrompu (…), accuse Martin Fayulu. C’est pourquoi il n’arrive à ne rien dire à Malumalu".

3. Volonté de rompre le "cycle électoral de 2011" :  VRAI

Dans sa "feuille de route du cycle électoral 2013 – 2016", la Ceni prévoit d’organiser en premier lieu les élections municipales, urbaines et locales d’ici février 2015. Une façon de "vider dès le départ quelques arriérés électoraux" pour pouvoir tenir la présidentielle de 2016 en toute quiétude, se justifie l’abbé Malumalu.

Mais ses détracteurs y voient plutôt une tentative de "rompre le cycle électoral de 2011". Un processus qui a commencé le 28 novembre 2011 avec la présidentielle et les législatives. "Il devait donc se poursuivre par l’organisation de l’élection des sénateurs et des députés provinciaux", estime Martin Fayulu. Le sénat congolais et les assemblées provinciales n’ont, en effet, pas été renouvelés depuis 2006, alors que les élus qui les composent n’avaient qu’un mandat de cinq ans ! Initialement, ce sont donc les sénatoriales et les élections provinciales qui devaient précéder les scrutins locaux.

Des élections locales risquent d’entraîner des troubles énormes dans le pays.

Martin Fayulu, coordonnateur de "Sauvons la RDC"

Pour le coordonnateur de "Sauvons la RDC", vouloir "à tout prix" organiser les élections locales avant tous les autres scrutins constitue une "manœuvre pour prolonger en douceur le mandat de Joseph Kabila", dans la mesure où "ces élections vont entraîner des troubles énormes dans le pays, lesquelles ne permettront pas la tenue de l’élection présidentielle en 2016".

4.En proposant l’élection des députés provinciaux au suffrage indirect, Malumalu viole la Constitution : FAUX

Les détracteurs de l’abbé Malumalu accusent aussi ce dernier de violer la Constitution en suggérant dans sa "feuille de route" l’organisation de l’élection des députés provinciaux au scrutin indirect. Seulement, le président de la Ceni ne compte pas imposer un scrutin indirect : il n’en a pas le pouvoir. Il appartiendra donc au Parlement de modifier, ou non, l’article 197 de la Constitution qui consacre, pour l’instant, le suffrage direct pour l’élection des députés provinciaux. "La Ceni n’exclut pas l’hypothèse du maintien du suffrage direct", confie un proche du président de l’institution électorale.

5.Opacité dans l’audit du fichier électoral : VRAI/FAUX

La Ceni a prévu par ailleurs d’organiser les élections locales "sur base d’un fichier électoral corrigé". Elle dit avoir déjà effectué l’audit en interne de ce fichier. Si l’on considère que toutes les composantes – majorité, opposition, société civile – ont voix au chapitre au sein de l’institution électorale, on peut en déduire que l’audit a eu lieu en présence de toutes les parties prenantes. Mais un tel audit est encore loin de satisfaire les recommandations des observateurs nationaux et internationaux des scrutins de 2011 qui le souhaitaient "indépendant".

Par ailleurs, pour les élections de 2016 – présidentielle et législatives -, la Ceni projette de les organiser "sur la base des résultats du recensement administratif" qui doit être lancé dans les prochains mois.

6. Recrutement du personnel de la Ceni sans procéder à un appel à candidature : VRAI

Le dernier grief reproché à l’abbé Malumalu, c’est son "clientélisme". Le président de la Ceni est accusé d’avoir recruté le secrétaire exécutif national de l’institution électorale et son adjoint en violation des dispositions légales. Pour la défense de Malumalu, son entourage argue que la décision a été prise en plénière – en présence de tous les autres membres de la Ceni issues de toutes les composantes – et qu’il ne s’agit là que d’une "mesure provisoire".

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Par Trésor Kibangula

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