« Jeunes talents », l’émission de télé-réalité qui a passionné Djibouti
« Jeune talents » est la première émission de télé-réalité diffusée à Djibouti. Lassés des sempiternels débats houleux entre le pouvoir et l’opposition, les téléspectateurs ont suivi avec passion et en direct les tribulations artistico-médiatiques de ces nouvelles stars de la chanson afar et somalie.
Cinq heures de direct hebdomadaires en prime time durant trois mois. Un casting qui a concerné plus de 300 jeunes artistes, chantant dans les deux langues nationales (afar et somali), venus de toutes les régions du pays. Les initiateurs du programme interactif de la Radio-télévision de Djibouti (RTD), "Jeunes talents", étaient loin de s’imaginer l’ampleur du succès de cette émission de télé-crochet qui a battu tous les records d’audience que détenaient, jusque-là, les seules soirées électorales. L’enthousiasme pour ce programme de divertissement, qui s’est achevé le 6 février, est sans précédent à Djibouti.
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Le principe de l’émission ? Découvrir les futures stars de la chanson afar et somalie, sélectionnées par deux jurys composés de trois artistes chacun et soumis à un vote populaire par le biais de SMS.
"Avec des pics de 30 000 votes par émission, analyse Mahamoud Souleimane Hared, gestionnaire de production à la RTD, nous avons atteint près d’un abonné sur six de Djibouti télécom, c’est énorme."
"Jeunes Talents", devenu le programme phare de la RTD a mobilisé 150 personnes sur les 220 qui constituent l’effectif total de la chaine, administratifs compris. Côté technique, la prouesse n’est pas négligeable. "Nous n’avions aucune tradition du direct, faute de moyens et de ressources humaines, reconnaît Abdelkader Ahmed, directeur général de la RTD. La coopération chinoise nous a alors doté d’un car régie doté de six caméras numériques, un plateau démontable équipé d’une sonorisation de 3 000 kilovolt et d’un équipent sophistiqué en matière de lumière. Sans ce matériel nous n’aurions jamais pu envisager une diffusion en direct."
Les couacs techniques et les approximations artistiques n’ont pas découragé les téléspectateurs peu habitués à de tels programmes nationaux. L’engouement a viré à la passion. En demi-finale, la candidate Deka Issa Douhour, est recalée par un membre du jury qui lui reproche, malgré son talent et le vote du public en sa faveur, d’être… étudiante, alors que sa rivale est au chômage. Tollé dans les quartiers et une foule en colère se rend au domicile du membre du jury qui échappe de peu à un lynchage populaire.
Le peuple s’intéressait plus aux propos des chanteurs en herbe qu’aux déclarations des candidats.
L’émission qui adoucit les moeurs ?
La forte audience de "Jeunes talents" n’est pas le seul mérite de ce programme de divertissement. "Il nous a réconcilié avec la télévision nationale, affirme Hassan Omar, conseiller pédagogique, mais il a surtout contribué à faire baisser les tensions politiques en reléguant au second plan les relations empoisonnées entre majorité et opposition. Le peuple s’intéressait plus aux propos des chanteurs en herbe qu’aux déclarations des candidats."
Autre mérite de "Jeunes talents" : il a tordu le cou aux idées conservatrices qu’entretiennent les prédicateurs islamistes en répétant inlassablement que chant, danse et surtout mixité sont prohibés par la religion. Face au succès populaire de l’émission, les mosquées ont très vite arrêté de critiquer les producteurs.
À peine achevé par la consécration de Samia Ibrahim, pour la chanson en langue somalie, et Harbouy Abayazid, pour celle en langue afar, "Jeunes talents" devrait donner naissance à de nouvelles émissions de télé-réalité. Parmi les idées qui circulent : sélectionner des jeunes citadins et les faire vivre durant plusieurs semaines en milieu nomade. Les téléspectateurs djiboutiens en salivent déjà.
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