Burkina Faso : Fedap-BC, la voix de son maître

Son nom résume à lui seul sa raison d’être. La Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré soutient le chef de l’État du Burkina. Mais elle pourrait aussi le desservir.

Le quartier général ouagalais des amis de Blaise Compaoré. © Sophie Garcia pour J.A.

Le quartier général ouagalais des amis de Blaise Compaoré. © Sophie Garcia pour J.A.

Publié le 21 février 2014 Lecture : 3 minutes.

La scène se déroule le 11 janvier à Bobo-Dioulasso. Sept jours plus tôt, 75 membres du bureau politique du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir), parmi lesquels des barons du régime, ont claqué la porte, dénonçant la volonté du président de se représenter en 2015, ainsi que la mainmise sur le parti de la Fédération associative pour la paix avec Blaise Compaoré (Fedap-BC). Adama Zongo, le président de ladite association, qui organise ce jour-là un meeting, n’en a cure. Au micro, il appelle " très solennellement" Compaoré à se représenter en 2015, "pour la stabilité du Burkina, pour la stabilité de la sous-région". Il était même prévu qu’il lance, lors de cette réunion, une pétition nationale réclamant un référendum pour modifier l’article 37 de la Constitution, mais il s’est finalement abstenu. "Ce n’est que partie remise", assure-t-il.

Certains comparent l’association à un groupe d’extrémistes qui cachent la vérité au président.

La Fedap-BC… À en croire les démissionnaires du CDP ainsi qu’une partie des cadres qui y sont restés, voilà le mal qui ronge le parti au pouvoir. Lors d’une visite en France début février, Simon Compaoré, l’ancien maire de Ouaga, a dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas depuis deux ans : "En 2012, nous avons assisté à une OPA de la Fedap-BC sur le parti. Ceux qui venaient de cette association mais n’avaient pas fait leurs preuves dans le militantisme sont devenus membres de la direction. Il y a eu une fracture entre les camarades du parti et ceux de la Fédération […] Si la situation devait dégénérer, la Fedap-BC et ses responsables en porteraient une grosse responsabilité."

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Opa hostile

Au cours de cette "OPA hostile", selon les termes d’un autre démissionnaire – c’était en mars 2012, lors du 5e Congrès du CDP –, tous les historiques du parti ont été écartés, à commencer par celui qui le dirigeait depuis treize ans, Roch Marc Christian Kaboré. Et les militants ont vu arriver une vague de nouveaux venus, quasi inconnus, qui s’étaient fait remarquer au sein de l’association, mais pas du parti.

Lors de sa naissance en octobre 2007, la Fedap-BC avait officiellement pour ambition de "canaliser tout soutien au président du Faso" et de "compléter" l’action du CDP. En fait, affirment plusieurs cadres du parti présidentiel, il s’agissait de créer une organisation parallèle, plus souple. François Compaoré, frère et conseiller du chef de l’État, est d’ailleurs considéré comme le vrai patron de l’association, même si son nom n’apparaît nulle part dans l’organigramme de celle-ci. "L’idée, explique un ancien du CDP, c’était d’asphyxier le parti, d’abord en le privant de ses soutiens financiers, puis de ses cadres. La première phase du plan a fonctionné, pas la seconde. D’où la nouvelle stratégie : prendre les rênes du CDP."

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Succès

Selon un patron influent, la Fedap-BC avait été présentée aux hommes d’affaires comme un moyen de soutenir le président et de financer ses campagnes. Ce fut un succès, comme en atteste la liste des présidents d’honneur de l’association, tous de richissimes hommes d’affaires. Y figurent notamment Alizéta Ouédraogo, la présidente de la Chambre de commerce et d’industrie (et belle-mère de François Compaoré), ou encore Lassiné Diawara, son vice-président.

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Aujourd’hui, la Fedap-BC, que certains comparent à "un groupe d’extrémistes qui cachent la vérité au président", est à la pointe du combat pour faire modifier l’article 37 de la Constitution. Bien plus encore que le CDP, qui est traversé par différentes tendances. "Nous allons organiser des meetings dans les treize régions pour convaincre les Burkinabè", annonce Adama Zongo, lui-même membre du bureau politique du CDP. Pour lui, les résultats d’un éventuel référendum ne font guère de doute : "Le oui l’emportera. Ouagadougou n’est pas le Burkina Faso."

 

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