Égypte : procès des journalistes d’Al-Jazira accusés de soutenir les islamistes
Au Caire s’ouvre jeudi le procès de journalistes du réseau satellitaire du Qatar Al-Jazira, dont quatre étrangers. Ils sont accusés d’avoir diffusé de fausses informations et de soutenir les islamistes.
Sur le banc des prévenus jugés jeudi 20 février au Caire, l’Australien Peter Greste et l’Égypto-canadien Mohamed Fadel Fahmy, tous les deux accusés par le Parquet d’avoir manipulé des images et de soutenir le mouvement des Frères musulmans. Ces derniers ont été bannis par les autorités installées par l’armée après la destitution et l’arrestation en juillet du président Mohamed Morsi, qui fut membre de la confrérie.
>> Lire aussi : le procès du président destitué Morsi ajourné au 23 février
Après la destitution de l’ancien président islamiste, la justice a fermé l’antenne égyptienne d’Al-Jazira, Al-Jazira Mubasher Misr, et plusieurs journalistes de la chaîne ont été arrêtés. Parallèlement, les relations entre l’Égypte et le Qatar se sont tendues, Le Caire accusant Doha de soutenir les Frères musulmans., tandis que, de son côté l’émirat gazier du Golfe reproche aux nouvelles autorités égyptiennes leur violente répression des partisans de l’ancien président qui a fait plus d’un millier de morts en sept mois.
Le Parquet a annoncé que 20 "journalistes d’Al-Jazira" vont être jugés devant la cour criminelle du Caire, huit des prévenus étant détenus et les 12 autres recherchés par les autorités.
Parmi eux, 16 Égyptiens sont accusés d’appartenance à une "organisation terroriste" et quatre étrangers – deux Britanniques, un Australien et une Néerlandaise – de leur avoir fourni "argent, équipements et informations" afin de "diffuser de fausses nouvelles" faisant croire à une "guerre civile dans le pays".
La chaîne Al-Jazira a dénoncé des accusations "infondées" affirmant que seuls neuf des accusés travaillaient pour elle.
Peter Greste, Mohamed Fadel Fahmy et le journaliste égyptien Baher Mohamed ont été arrêtés le 29 décembre dans un hôtel du Caire où ils avaient installé un bureau improvisé. La journaliste néerlandaise Rena Netjes, citée dans cette affaire, a, elle, fui l’Égypte le 4 février en affirmant n’avoir jamais travaillé pour Al-Jazira.
"Prisonniers d’opinion"
Dans un contexte de forte tension entre anti et pro-Morsi, marqué par la violente répression de l’armée contre ces derniers, des organisations de défense des droits de l’Homme ainsi que l’ONU ont également dénoncé une campagne de répression contre les médias.
Dès l’annonce des accusations, Amnesty International, parlant de "prisonniers d’opinion", a déploré un "revers majeur pour la liberté de la presse" qui "envoie le message effrayant qu’aujourd’hui, une seule version des faits est acceptable en Égypte : celle autorisée par les autorités".
À la veille de l’ouverture du procès, l’Institut international de la presse (IPI) a demandé aux autorités judiciaires d’abandonner les charges de "terrorisme" et "de libérer immédiatement" les journalistes.
Selon les conclusions d’une visite de l’IPI en Égypte du 25 au 29 janvier, les forces de sécurité ont "systématiquement" accusé les journalistes d’aide au terrorisme et de diffusion de fausses nouvelles, "dans le but d’effrayer tous les journalistes et d’entraver une couverture indépendante".
Manifestation à Londres
Reporters sans frontières a dénoncé un "harcèlement à l’encontre d’Al-Jazira", estimant que "cet acharnement ne faisait que renforcer le clivage" en Égypte.
Outre la menace d’un procès, de nombreux journalistes rapportent avoir été pris à partie par des foules les accusant d’être pro-Frères musulmans. Trois reporters de la chaîne publique allemande ARD avaient ainsi été attaqués aux cris de "traîtres" et de "suppôt des Frères musulmans".
Dans une lettre écrite depuis sa cellule, le journaliste Greste affirme que "l’État ne tolèrera aucune voix dissidente, que ce soient les Frères musulmans ou tout autre critique. Les prisons débordent de tous ceux qui se sont opposés ou ont défié le gouvernement".
Pour un haut responsable gouvernemental "ce ne sont pas des journalistes mais des militants pro-Frères musulmans".
À Londres, une cinquantaine de personnes ont manifesté mercredi devant l’ambassade d’Égypte pour réclamer la libération immédiate des journalistes. "Être un journaliste n’est pas un crime", "le journalisme n’est pas du terrorisme", pouvait-on lire sur des pancartes brandies par des manifestants, dont certains étaient symboliquement bâillonnés avec du ruban adhésif.
(Avec AFP)
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