Les « combattants » refoulés du Royaume-Uni en RDC menacés de torture, info ou intox ?

Selon des informations relayées dans la presse britannique, Kinshasa aurait demandé à ses services spécialisés de fliquer les Congolais refoulés du Royaume-Uni. Objectif : arrêter ces derniers, prouver leur appartenance à des mouvements « combattants » puis les soumettre à des actes de torture. Qu’en est-il vraiment ?

Un opposant exhibe une page de The Guardian se rapportant à l’affaire. © Toleka NetTv/YouTube

Un opposant exhibe une page de The Guardian se rapportant à l’affaire. © Toleka NetTv/YouTube

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Publié le 19 février 2014 Lecture : 3 minutes.

"Réussir à faire passer cette information dans des médias britanniques, c’est une victoire pour les ‘combattants’ de Londres". Celui qui se fait appeler dans le milieu "le sergent Mokrekese James Bond Never die" en est convaincu : "le monde s’intéresse de plus en plus à [leur] combat". Contacté par Jeune Afrique, le "sergent Mokrekese", secrétaire général du "Haut-conseil de la résistance congolaise", un de ces groupes d’opposants anti-Kabila de la diaspora, affirme que "[son] mouvement est à la base de l’information parue dimanche [16 février] dans The Guardian", selon laquelle les demandeurs d’asile congolais seraient confrontés à la "torture avec discrétion", une fois expulsés du Royaume-Uni.

The Observer dont l’information est relayée dans The Guardian rapporte en effet qu’un "document hautement sensible" du ministère congolais de l’Intérieur aurait été "distribué aux hauts fonctionnaires de l’Agence nationale de renseignements (ANR), de la police et de la Direction général de migration (DGM)". Mot d’ordre ? "Traquer et arrêter les opposants au gouvernement" et les soumettre à la "torture avec discrétion".

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L’hebdomadaire britannique, qui dit s’être procuré une copie de l’instruction, précise que Richard Muyej, le ministre congolais de l’Intérieur, aurait demandé à ses services spécialisés de porter plus précisément leur attention sur des "militants politiques qui vivent au Royaume-Uni et dans d’autres parties de l’Europe et qui sont expulsés vers la capitale Kinshasa". Et en guise de preuve, The Observer cite un extrait du document : "Avant tout, soyez à l’affût de combattants qui sont refoulés". Des propos attribués à Richard Muyej à l’attention de chefs de sécurité congolais.

"Intoxication" ?

Joint au téléphone par Jeune Afrique, Richard Muyej affirme n’avoir "jamais donné une telle instruction" et "regrette qu’un média d’un pays dit démocratique s’embourbe ainsi dans des mensonges".

Les "combattants" ne cherchent qu’à émouvoir l’opinion publique britannique pour bloquer une éventuelle procédure de refoulement.

Dans l’entourage du ministre, on parle de "l’intoxication" concoctée par "ces gens qui crient à longueur de journée et qui se considèrent comme des combattants". "Ils ne cherchent qu’à émouvoir l’opinion publique britannique pour bloquer une éventuelle procédure de refoulement qui serait en cours", tance un proche de Richard Muyej. "Quel intérêt le pouvoir aurait-il à traquer et à torturer des personnes qui ne représentent rien ?", interroge-t-il.

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Pourtant, des "combattants de Londres" exhibent une photo comme une des preuves de leurs allégations. Elle est non datée et montrerait "un prisonnier non identifié subissant la torture à Kin Mazière, le QG de la police secrète à Kinshasa", selon la légende publiée sur The Guardian. "C’est nous qui avons transmis la photo aux médias britanniques", s’en félicite Lumumba Yoto, président du "Haut-conseil de la résistance congolaise" basé à Londres.

Capture d’écran de la photo publiée sur The Observer.

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Problème : "Depuis quelques années, Kin Mazière est devenu un super marché. On ne peut plus continuer à soutenir que la police détiendrait toujours un centre de détention dans un lieu commercial", rétorque un membre du cabinet du ministre.

À Paris, dans le milieu même des "combattants", c’est l’incompréhension qui domine. Rex Kazadi, porte-parole de Ba Patriotes ya Kongo (BKP), ne comprend pas "pourquoi Kinshasa qui est aujourd’hui dans une démarche de séduction – pour rassurer les leaders des "combattants" – se lancerait dans une telle démarche contreproductive, en voulant arrêter des petits poissons" refoulés au pays. "Le pouvoir voudrait-il vraiment traquer des Congolais qui ne font que vociférer dans les rues des villes occidentales, alors qu’au même moment, une loi d’amnistie [notamment pour les faits insurrectionnels] a été votée au Parlement ?", se demande Rex Kazadi, dubitatif.

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Par Trésor Kibangula

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