Humour : quand la politique algérienne fait rire le web
La politique algérienne inspire une nouvelle génération d’humoristes qui s’expriment exclusivement sur Internet. Tour d’horizon de cette communauté 2.0 qui brocarde les politiciens à tour de bras.
Mis à jour le 24/04.
L’Algérie était habituée à des dessins de presse mordants. Elle découvre désormais un nouveau type d’humoristes politiques. Plus jeunes, à l’image de leur public, ils sortent des sentiers battus des médias algériens. Leur terrain de jeu : Internet. Leur chef de file virtuel : Zarouta Youcef, 24 ans, "un jeune Algérien qui aime s’exprimer à travers des vidéos Youtube", comme il aime se présenter.
Intitulé sobrement "Politique en Algérie", son dernier podcast totalise déjà plus de 500 000 vues sur Youtube. Sur cette vidéo, publiée le 26 janvier, Youcef décortique et brocarde les gestes et les paroles du Premier ministre Abdelmalek Sellal et de la ministre de la Culture Khalida Toumi …
Youcef n’en est pas à son coup d’essai. En 2012, à l’occasion des élections législatives, il dénonçait déjà, sous couvert de vannes, une "mascarade électorale en Algérie". "Utiliser l’humour permet de créer des espaces de libertés", explique Elizabeth Perego, une historienne américaine qui travaille sur le sujet. "Et les blagues sont des codes pour rester à l’abri du pouvoir", analyse-t-elle.
Jeunesse connectée
Si beaucoup d’Algériens se désintéressent des futures échéances électorales, cela ne les empêche pas de rire ouvertement de la politique et des politiciens et de partager leurs points de vue avec leurs amis. Un échange qui transite de plus en plus par le web et les réseaux sociaux, où se multiplient les humoristes 2.0 qui se veulent les porte-voix d’une jeunesse connectée.
Parmi les podcasteurs connus, outre Zarouta Youcef, on compte aussi DZjoker, MisterX, Unknown et Anes Tina. À travers un rap, ce dernier appelait il y a peu le président Bouteflika à ne pas briguer un quatrième mandat. Dans ses vidéos, il fustige régulièrement les problèmes de la société algérienne, notamment ceux liés à la bureaucratie.
"Avant, c’était surtout les chroniques écrites, radiophoniques et les dessins de presse qui laissaient la place libre au comique en politique. Aujourd’hui, la nouvelle génération ne connaît pas Slim (célèbre caricaturiste des années 1990) et utilise d’autres moyens", explique Elizabeth Perego. "Avec l’humour, on se sent plus puissant, la critique est plus libre et l’homme politique descend de son piédestal. Les jeunes ont l’impression qu’ils ne peuvent rien changer en politique, alors ils préfèrent s’en saisir à travers l’humour", poursuit-elle.
Pastiche d’un titre de Stromae : "Boutef où t’es ?"
Bled-Mickey, Le Gorafi algérien
La dérision vis-à-vis du monde politique s’exprime aussi depuis peu à travers un nouveau type de contenu : les fausses informations du site satirique Bled-Mickey. Lancé en novembre dernier, il s’agit d’un homologue du Gorafi français. Il dédie à la politique algérienne toute une rubrique et titre par exemple : "Saint Valentin : Saadani et Toufik en passe de battre le record du plus long câlin", ou encore : "Amara Benyounes révèle son passé de gymnaste"… Alors que le flou règne sur l’avenir institutionnel de l’Algérie, la parodie politique – aux vertus à la fois critique et apaisante – semble promise à un bel avenir.
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