Procès Simbikangwa : des témoins se contredisent sur la réputation de l’accusé

De nouveaux témoins se sont exprimés lundi dans le procès de Pascal Simbikangwa, poursuivi pour sa participation au génocide de 1994.

Des journalistes dans la Cour d’assises de Paris, le 4 février 2014. © AFP

Des journalistes dans la Cour d’assises de Paris, le 4 février 2014. © AFP

Publié le 18 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Qui était vraiment Pascal Simbikangwa ? Deux versions sur la réputation du premier Rwandais poursuivi en France pour crimes liés au génocide ont été entendues, le 17 février, à la cour d’assises de Paris.

>> Lire aussi : le génocide expliqué aux Français.

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D’abord celle d’Anatole Nsengiyumva, ancien patron du "bureau G2", le renseignement militaire où fut brièvement affecté Pascal Simbikangwa, après qu’un accident eut laissé paraplégique le jeune capitaine de la garde présidentielle en 1986.

Simbikangwa, un "directeur de rien"

Versé dans le civil, l’accusé allait rejoindre le Service central de renseignement de la police (SCR), avec rang de "directeur". Mais pour le lieutenant-colonel Nsengiyumva "c’était un petit agent" chargé de la revue de presse, "il n’était directeur de rien". L’officier supérieur, condamné à 15 ans en appel par le tribunal pénal international pour le Rwanda et qui témoigne par visio-conférence depuis Arusha (Tanzanie) où il attend un pays d’accueil, fut pendant le génocide commandant du secteur de Gisenyi (Nord-Ouest), région d’origine de Pascal Simbikangwa comme un des principaux hiérarques du régime du président hutu Juvénal Habyarimana, dont l’assassinat fut l’événement déclencheur du génocide.

Le capitaine Simbikangwa est notamment accusé d’y avoir organisé des milices et fait livrer des armes, mais son ancien chef, tout en reconnaissant ne pas l’avoir vu "pendant les événements", balaie d’une phrase. "Simbikangwa était impotent, il se déplaçait dans sa chaise roulante, il ne pouvait pas se mettre debout, alors moi je ne vois pas Simbikangwa dans son état aller s’occuper des entraînements alors qu’il y a des gens bien portants".

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"Organiser la terreur"

Mais Johann Swinnen, ambassadeur de Belgique à Kigali de 1990 à 1994, a une tout autre perception de l’accusé. "J’étais au courant de sa réputation que je qualifierais de redoutable". Et de relater un incident, début décembre 1991, quand le président de l’association des journalistes rwandais lui a présenté le rédacteur en chef d’une revue d’opposition. "Je voyais qu’il avait été maltraité. Il disait que Pascal Simbikangwa l’avait travaillé au fil de fer pendant une demi-heure, il avait les pieds gonflés, les doigts de pieds sanglants, des traces dans le dos et des blessures au bras droit".

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Le diplomate a également évoqué le cas devant le président Habyarimana, mais ne sait pas si quelque chose fut fait. Il entendra de nouveau parler du capitaine peu avant le génocide. Un de ses contacts, un ancien chef de la banque centrale, l’avertit le 12 mars 1994 de l’existence d’une liste "de gens chargés d’organiser la terreur". En troisième place, le capitaine Simbikangwa. Deux semaines plus tard, un tract anonyme reprend les mêmes noms comme "l’état-major chargé d’exterminer les Tutsi".

Augustin Lyamuremye a lui aussi entendu "la réputation dans la presse de tortionnaire" du capitaine avant même de prendre la tête du SCR dans le cadre du premier gouvernement multipartiste en 1992. "Ma première mesure a été de le changer d’affectation", le passant de la surveillance de la presse à la simple revue de celle-ci, explique ce membre de l’opposition de l’époque, qui fut trois fois ministre dans les gouvernements d’après le génocide, dans le régime mis en place par l’ex-rébellion tutsi. Mais il cherchera en vain à le faire partir du service, car "le pouvoir avait cadenassé le système de mutation".

Pour lui, Simbikangwa, pour qui "le président Habyarimana c’était le bon Dieu," avait une tâche claire : faire partie d’un système de renseignement parallèle pour la présidence. Mais quels éléments, quelles indications, quelles preuves en ce sens, a demandé pour la défense Me Fabrice Epstein. "Je ne saurais vous dire, c’était comme ça, tout le monde savait", a-t-il répondu. "C’est une comédie funeste pour moi. Il arrive ici et il commence à vous mentir. Ce qu’il a raconté c’est honteux," a repliqué l’accusé.

(Avec AFP)

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