Ahmed Mahamoud Silanyo : « Le Somaliland s’en sort très bien »
À l’occasion d’un récent passage à Paris, « Jeune Afrique » a rencontré Ahmed Mahamoud Silanyo. Cet ancien opposant a été élu président du Somaliland en 2010 lors d’un scrutin pacifique et non contesté.
C’est un petit État côtier, au bord de la mer rouge, qui s’en tire beaucoup mieux que son grand voisin somalien. Le Somaliland, indépendant de fait depuis 1991, cherche toujours à obtenir la reconnaissance internationale (aucun pays n’a franchi le pas), mais se heurte à l’opposition de Mogadiscio et de l’Union africaine.
Jeune Afrique : Quel était le but de votre visite en France ?
Mahamoud Silanyo : Mon objectif était de rencontrer le gouvernement français. J’ai été reçu par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, et la conseillère à la présidence, Hélène Le Gal. La France est un grand pays avec lequel nous aimerions renforcer nos relations.
Nous sommes un pays qui a retrouvé son indépendance de la Somalie, en 1991. Le Somaliland n’est pas reconnu par la Communauté internationale mais nous coopérons avec elle. Nous recevons un soutien pour notre processus démocratique de la part des pays européens, dont la France.
Quels sont vos liens économiques avec ce pays ?
Bolloré, qui est une grande entreprise française, a un intérêt pour développer de notre port de Berbera, qui est notre principal port. Il pourrait être un débouché important pour l’Éthiopie, qui est enclavée. L’Éthiopie utilise principalement Djibouti mais peut avoir besoin d’autres ports en plus. Rien n’a été signé à ce stade mais j’ai rencontré les chefs de cette entreprise et les discussions continuent.
>> Lire aussi : Le Somaliland se rêve en hub de l’Afrique de l’Est
Quel est l’attitude de la France quant à la reconnaissance du Somaliland ?
Elle n’est pas différente de celle des autres pays européens, c’est-à-dire qu’ils disent que c’est à l’Union africaine d’en décider d’abord.
Cela fait plus de 20 ans que vous demandez cette reconnaissance, pour l’instant en vain. Qu’est-ce qui pourrait changer la donne ?
D’abord, nous n’avons d’autre choix que de continuer à rechercher la reconnaissance internationale. Mais même sans l’obtenir, nous existons et nous avançons. Nous construisons des routes, des écoles, des hôpitaux… Notre économie progresse, grâce à notre stabilité, qui est incomparable avec la situation de la Somalie. Le Somaliland est beaucoup plus sûr. Nous combattons la piraterie, l’instabilité dans la région. Nous nous en sortons très bien.
Nous n’avons rien contre une coopération avec la Somalie, nos hommes d’affaires et les leurs investissent dans les deux pays
Un nouveau président somalien a été élu en 2012. Quelles sont vos relations avec lui ?
Nous n’avons pas de discussions directes. Nous avons assisté à une conférence ensemble en Turquie. Mais évidemment, les dirigeants de la Somalie continuent d’affirmer que nous formons un seul pays. Et nous affirmons le contraire. Mais nous n’avons rien contre une coopération, nos hommes d’affaires et les leurs investissent dans les deux pays. Nous avons une libre circulation des biens et des personnes, à l’exception des hommes politiques en activité.
Une des clés de la stabilité du Somaliland a été sa capacité à intégrer la gouvernance traditionnelle à son système politique. Est-ce que c’est une recette qui pourrait fonctionner en Somalie ?
Nous espérons qu’ils essaieront de s’inspirer de notre expérience. Nous avons par exemple établi un Conseil des Anciens, dès l’époque de la guerre de libération. L’idée était de mobiliser les différents clans et les rassembler. Nous nous sommes appuyés sur cet instrument pour tenir des conférences intertribales. Depuis, il est devenu la deuxième chambre du Parlement et elle représente absolument toutes les composantes du Somaliland, jusqu’aux plus petites. Cela assure l’équité entre les tribus et les clans. Cela permet la paix, la stabilité, du dialogue entre les groupes.
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Propos recueillis par Pierre Boisselet
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