Livre : syrie d’Amérique

De Halabiyah, village rural syrien, Wadi débarque un beau jour à Fort-de-France, en Martinique. La famine et les tensions coloniales ont décidé son père à l’envoyer trouver son destin outre-Atlantique, en « petite Amérique », où une communauté syrienne récemment implantée prospère dans le commerce des tissus. Radicalement dépaysé, le migrant s’acclimate pourtant vite dans les bras de Fanotte, voluptueuse « négresse » qui le séduit et l’initie à la vie îlienne. Dernier roman du chantre de la créolité Raphaël Confiant, Rue des Syriens évoque l’épopée de milliers de Levantins venus entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle chercher leur survie dans le Nouveau Monde.

« Les Syro-Libanais sont le sixième peuple fondateur du peuple martiniquais, les derniers arrivés après les Indiens caraïbes, les Français, les Africains, les Indiens et les Chinois, souligne l’auteur. Même si leur influence a été, et est toujours, plus modeste que celle des peuples précédemment arrivés, il n’en demeure pas moins qu’ils ont apporté leur pierre à la construction de l’identité créole. » Des faubourgs pouilleux de la ville aux élégants magasins de mode, l’odyssée de Wadi lui révèle la mosaïque sociale antillaise où békés, créoles, chabins, « nègres l’Afrique », métropolitains, Indiens coolies, Chinois et Syriens sont cimentés par la contrainte insulaire. « Ce faisant, il devient petit à petit antillais, caribéen, américain, en un mot créole, c’est-à-dire membre d’un pays où l’identité multiple a damé le pion de l’identité unique de l’Ancien Monde (Europe, Afrique, Moyen-Orient, Asie) », précise Confiant.

Une aventure émouvante et souvent amusante, des personnages attachants, une langue puissamment évocatrice, métissée de créole, d’arabe et de néologismes, un roman à savourer comme une mangue bien mûre arrosée de sirop de rose.

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 – Rue des Syriens, Raphaël Confiant, éd. Mercure de France.