Drogba se prend pour Kirikou

Le football africain et la bande dessinée se rejoignent. Après les albums graphiques sur Samuel Eto’o, voici venues les aventures « en bulles » de Didier Drogba. Chance pour le monde de la BD africaine ou hagiographie dont il se serait bien passé ?

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 10 février 2014 Lecture : 3 minutes.

La mode est aux biopics, comme en témoigne un cinéma mondial en manque apparent d’inspiration fictionnelle. Et la mode est encore à la bande dessinée, comme en témoigne la récente édition du festival d’Angoulême. L’Afrique n’est pas à la traîne et mise sur le triptyque biopic-BD-football. Il y a quelques jours était mis sur le marché français l’album "De Tito à Drogba" du dialoguiste Gabin Bao et du dessinateur Pierre Sauvalle. Le livre, déjà sorti en Côte d’Ivoire en décembre 2012, reconstitue en dessins les moments forts du plus célèbre "Éléphant" de Côte d’Ivoire, Didier Drogba, actuel joueur du club de Galatasaray.

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Il n’y a guère de place pour la satire, dans cette œuvre construite en étroite collaboration avec l’équipe de communication du footballeur ivoirien. La biographie complaisante fait vibrer la corde sensible de la nostalgie, en évoquant les débuts à Abidjan. Elle glorifie le volontarisme musculaire de ce super héros africain, déployant, de case en case, le parcours épique qui l’a conduit de Marseille à Londres avec, à la clef, une victoire en Ligue des champions.

Pour calmer les accusations d’hagiographie gratuite ou de boulimie commerciale, les auteurs de la bande dessinée ont annoncé que les bénéfices seraient versés à la fondation Drogba. Et l’on planifie déjà un tome 2, ainsi qu’une adaptation en dessin animé, espérant que la participation de la Côte d’Ivoire au Mondial brésilien offrira une dramaturgie supplémentaire au parcours du stakhanoviste ivoirien du ballon rond.

Le lecteur ingurgite une sorte d’autocélébration d’un joueur qui n’est pas réputé pour sa modestie.

Si certains puristes de la BD sont gênés aux entournures par le caractère "autorisé" de cette biographie graphique, qu’ils évitent de se procurer la collection consacrée au footballeur Samuel Eto’o : "Eto’o fils". L’"empire" du Camerounais n’a pas seulement collaboré à cette série en neuf tomes, il l’a financée et encadré le travail de l’artiste camerounaise Joëlle Esso. De l’évocation des débuts à Douala jusqu’à la glorification du passage à Chelsea, le lecteur ingurgite une sorte d’autocélébration d’un joueur qui n’est pas réputé pour sa modestie.

La bande dessinée africaine doit-elle faire la fine bouche, face à ce genre de projets qui ne fleurent guère l’originalité et l’impertinence ? Il est vrai que l’édition est sinistrée dans de nombreux pays du continent où imprimer des albums rentables relève de la gageure. Pourtant, les talents y fourmillent, depuis les années 80, du Béninois Hector Sonon au Togolais Anani Mensah en passant par le Malien Massiré Tounkara, l’Algérien Farid Boudjellal, le Congolais Pat Masioni, le Mauricien Pov, le Malgache Jari ou le Sud-africain Anton Kannemeyer. Signe théorique d’un intérêt du public, les cadres de rencontre se sont multipliés comme le Festival international de la bande dessinée algérienne (Fibda), les rencontres ivoiriennes Cocobulles, le Festival international de la bande dessinée et du film d’animation du Congo ou encore les Journées africaines de la bande dessinée de Libreville.

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Au final, peu d’auteurs africains vivent de leurs BD, malgré d’indéniables succès locaux comme "Goorgoorlu" du Sénégalais TT Fons, "Cauphy Gombo" de l’Ivoirien Lassane Zohoré ou le "Petit idiot" Zoba Moke du Congolais Bring de Bang. L’objectif ultime de ces artistes reste un succès international – comme "Aya de Yopougon" – et le Saint Graal d’un contrat avec une maison d’édition européenne. En attendant, pourquoi un dessinateur en mal d’expression ne mettrait-il pas son talent au  service d’un richissime footballeur ?

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Damien Glez

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