La Tunisie célèbre sa Constitution, entre émotion et frustration

La cérémonie célébrant la ratification de la nouvelle Constitution s’est tenue vendredi au palais du Bardo, à Tunis, en présence de nombreux hôtes étrangers. Si le moment est historique, quelques couacs n’ont pas manqué de susciter malaise et frustration. 

François Hollande (à g.) et Moncef Marzouki. © AFP

François Hollande (à g.) et Moncef Marzouki. © AFP

Publié le 7 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Mis à jour à 18h18.

Contrôles rigoureux, bousculades, attente interminable… Vendredi 7 février, tous les Tunisiens présents n’ont pu avoir accès à l’hémicycle du Bardo. Mais les chefs d’État, les personnalités internationales et les 50 délégations annoncées étaient bien là pour saluer de manière solennelle l’adoption par la Tunisie de sa deuxième Constitution depuis l’indépendance. À juste titre, le président sénégalais, Macky Sall, a axé son discours sur l’ancrage démocratique de la Tunisie à travers son histoire, en rappelant notamment le glorieux passé de la République de Carthage, tandis que le président libanais, Michel Suleiman, revenait sur les principales avancées de la loi fondamentale tunisienne.

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Mais la prise de parole la plus attendue était celle de François Hollande, qui a réitéré le soutien de la France au peuple tunisien et salué l’aboutissement d’un parcours semé d’embûches. "Ce texte de progrès à vocation universelle est un exemple pour les autres pays ; il célèbre la démocratie participative, la nature civile de l’État, les jeunes et les femmes", a-t-il affirmé. En prenant pour preuve le consensus tunisien, il a estimé que "l’islam est compatible avec la démocratie".

La Tunisie est un exemple, par votre combat pour la liberté, vous êtes un symbole d’espoir pour le monde arabe.

François Hollande, président français

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Le président français a néanmoins rappelé que le processus n’était pas achevé et que la Tunisie devait désormais s’accorder sur un code électoral et aussi relancer son économie. Pour encourager et accompagner cette dernière étape de la transition, François Hollande a confirmé la mise à disposition de la Tunisie par l’Agence française de développement (AFD) de 500 millions d’euros, tout en invitant les touristes à ne pas hésiter à venir visiter le pays. "Votre responsabilité dépasse les frontières, votre devoir est de réussir pour vous et les autres pays. La Tunisie est un exemple, par votre combat pour la liberté, vous êtes un symbole d’espoir pour le monde arabe", a-t-il conclu.

Malaise iranien

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Si les représentants des pays arabes n’ont pas été très lyriques à la tribune – quand ils n’ont pas, comme celui de l’Arabie Saoudite, décliné l’invitation à s’exprimer -, la conclusion de l’intervention du Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, a suscité l’émotion. La main sur le cœur il a affirmé que "l’Algérie était aux côtés de la Tunisie, pour le meilleur et pour le pire", tandis qu’Alpha Condé, président de la Guinée et de l’Union africaine a pour sa part évoqué Nelson Mandela dans son allocution.

La seule ombre au tableau de cette journée placée sous le signe des félicitations et des hommages aux martyrs de la révolution, est venue d’Ali Larijani, président du Majlis islamique iranien. Ce dernier a en effet tenu un discours éminemment politique contre un Occident jugé opportuniste pour avoir soutenu successivement les dictatures puis les révolutions arabes, et a appelé à une union des musulmans de toutes obédiences contre Israël et les États-Unis.

"Israël est le cancer du Moyen Orient", s’est-il même exclamé. Des propos qui ont suscité la désapprobation de la délégation américaine qui a aussitôt quitté l’hémicycle.

Par ailleurs, François Hollande décidait d’écourter sa visite en arguant du retard pris sur le programme initial pour quitter Tunis sans se rendre à Carthage où il aurait dû tenir une conférence conjointe avec Marzouki.

Beaucoup se sont émus également du fait que la séance plénière extraordinaire ait été ouverte par la récitation d’une sourate du Coran.

En coulisses, les rencontres se sont multipliées et Bertrand Delanoë, maire de Paris, s’est dit satisfait du rapprochement entre François Hollande et Mustapha Ben Jaafar, président de l’Assemblée nationale constituante (ANC) et fondateur du parti Ettakatol.

Entre les discours pragmatiques incitant la Tunisie à relever son économie et les envolées lyriques en hommage aux libertés et à la démocratie, le moment a été riche en émotions au regard de ce qui a été accompli ces trois dernières années. Cependant, outre l’incident iranien, beaucoup se sont émus du fait que la séance plénière extraordinaire ait été ouverte par la récitation d’une sourate du Coran avant que ne soit entonné l’hymne national. "C’est une intromission du religieux dans la chose publique", ont assené des militants de gauche, tandis que d’autres notaient l’absence de nombreux élus dans l’hémicycle pendant l’hommage soutenu rendu au quartet initiateur du dialogue national qui a permis de débloquer la plus grave crise institutionnelle et politique de l’histoire du pays.

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Frida Dahmani, à Tunis

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