Génocide : bataille autour de documents mettant en cause le Rwandais Simbikangwa

Le procès historique d’un ex-capitaine rwandais, Pascal Simbikangwa, accusé de complicité de génocide, se poursuit. La journée de jeudi a été marquée par les débats entre la défense et l’accusation autour de documents mettant en cause directement l’accusé.

Portrait d’artiste de Pascal Simbikangwa, à la cour d’assises de Paris, le 4 février 2014. © AFP/Benoit Peyrucq

Portrait d’artiste de Pascal Simbikangwa, à la cour d’assises de Paris, le 4 février 2014. © AFP/Benoit Peyrucq

Publié le 7 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Au troisième jour du procès de Pascal Simbikangwa devant le tribunal de la cour d’assises de Paris, défense et accusation se sont opposées jeudi 6 février autour de documents mettant en cause directement l’ex-officier rwandais accusé de complicité de génocide.

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Le premier litige a concerné une lettre du président du Conseil constitutionnel rwandais, Joseph Kavaruganda, tué au petit matin du 7 avril 1994, aux premières heures du génocide.

Le 23 mars, il écrit au président hutu Juvénal Habyarimana pour se plaindre d’avoir été menacé de mort par le capitaine Simbikangwa. La lettre, produite lors d’un procès au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), fait partie des 8 000 documents transmis à la justice française dans le cadre de l’instruction sur l’ex-militaire.

"C’est impossible", s’indigne l’accusé, se dressant dans son fauteuil roulant. "Il avait sa garde de gendarmes, une garde de la Minuar (force de l’ONU). Et ils n’auraient pas fait de rapport ? Impossible, une telle menace ne serait pas passée inaperçue".

Défense et accusation vont ensuite longuement s’affronter sur l’authenticité et la recevabilité de la lettre. Me Alexandra Bourgeot, un des avocats de Simbikangwa, relève que la veuve du magistrat assassiné n’a pas produit la missive lors d’un premier procès au TPIR et que la lettre n’a ni cachet ni signature.

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C’était la copie conservée par le magistrat et quel intérêt aurait eu sa veuve à mentionner à tort Simbikangwa dans un procès où il n’était pas partie, réplique l’accusation.

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Le deuxième document est la retranscription d’un appel de la présidence américaine du 22 avril 1994 dans laquelle elle exhortait les responsables militaires rwandais à "faire cesser immédiatement les violences". La Maison Blanche cite Simbikangwa aux côtés du colonel Théoneste Bagosora, directeur de cabinet au ministère de la Défense (condamné à 35 ans de prison par le TPIR) ou du chef d’état-major, le colonel Augustin Bizimungu (condamné à 30 ans au TPIR).

"Comment expliquez-vous que votre nom soit arrivé jusqu’à Washington ?", interroge le président du tribunal de la cour d’assises de Paris, Olivier Leurent, alors que l’intéressé n’a de cesse de minimiser son importance dans le régime.

"C’est peut-être une extrapolation", commence l’accusé qui explique être tombé, en allant "exfiltrer" une famille tutsi de sa connaissance, "sur deux camions de l’ONU remplis de réfugiés, bloqués par des miliciens. J’ai dû négocier, j’ai dit à ces gars (les miliciens), vous donnez une mauvaise image, j’ai fait l’effort pour ces pauvres gens qui allaient se faire lyncher".

"Simbikangwa était responsable"

"Et c’est par cette petite action que vous êtes connu de la Maison Blanche ?", s’étonne le président. "Je pense que la Minuar s’est dit, ‘voilà cet homme-là, il a le pouvoir de faire quelque chose’, il y a eu des spéculations", répond Simbikangwa.

Pour finir, le vice-procureur Aurelia Devos sort de ses dossiers le récit d’interrogatoire d’un témoin de l’incident. "Des Tutsi réfugiés à l’hôtel des Mille Collines essayaient de rejoindre l’aéroport. Ils ont été arrêtés à une barrière (barrage) de la garde présidentielle. Simbikangwa était responsable de cette barrière. C’est lui qui leur a donné l’ordre de repartir à l’hôtel. Étaient-ils accompagnés de la Minuar ? Y a-t-il eu une altercation ? Ils avaient trop peur, quand Simbikangwa leur a dit de repartir, ils sont repartis".

"Je ne vois pas de différence", dit étrangement l’accusé.

Mais pour la partie civile pas de doute : "La scène se passe en mai, bien après le communiqué de la Maison Blanche".

(Avec AFP)
 

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