Excision : les résultats inégaux de la lutte contre les mutilations génitales en Afrique
Le 6 février 2014 a lieu, comme chaque année depuis 2003, la Journée mondiale de lutte contre les mutilations génitales féminines. Après 12 ans d’actions concertées dans les 29 pays africains où cette pratique persiste, les résultats sur le terrain sont très disparates.
Sur le papier, l’éradication des mutilations génitales féminines est l’affaire d’une très grande partie du continent africain. Le 26 novembre 2012, suite à la demande de représentants de 26 pays africains, l’Assemblée générale de l’ONU adoptait une résolution, soutenue par la quasi-totalité des pays africains, dénonçant l’excision et visant à son éradication dans le monde. En 2012, la Somalie devenait le vingtième pays interdisant formellement l’ablation rituelle de parties génitales féminines sur le continent. En 2000, ils n’étaient que dix pays à avoir franchi le pas. Parmi les 29 pays concernés par cette pratique ancestrale en Afrique, il n’en reste plus que neuf à ne pas avoir légiféré en la matière. Les gouvernements sont donc de plus en plus nombreux à se mobiliser.
800 villages maliens ont "déposé le couteau de l’excision"
Pourtant, les résultats concrets sont très variables d’un pays à l’autre. Au Mali, l’un des derniers pays africains encore dépourvus de législation contre les mutilations traditionnelles infligées aux femmes, le gouvernement entend mettre l’accent sur la "sensibilisation" et l’évolution progressives des mentalités et des pratiques plutôt que sur l’interdiction, arguant que la prohibition seule ne suffira pas à faire reculer ce fléau encore bien ancré dans les habitudes. Le combat contre les mutilations sexuelles est donc confié à un Programme national de lutte contre l’excision, qui s’enorgueillit d’avoir convaincu 800 villages à travers le pays de "déposer le couteau de l’excision", rapporte le site Maliactu.net.
Carte de la prévalence de l’excision en Afrique en 2013 d’après l’Unicef.
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Emmanuelle Roussiot, porte-parole du collectif francophone Excision, parlons-en, reste sceptique face à cette approche exclusivement pédagogique. "La persistance des traditions et des pratiques est une fausse excuse pour ne pas voter une loi. Il est illusoire de prétendre combattre efficacement l’excision sans un véritable arsenal législatif et pénal", souligne la militante. De fait, les conclusions du rapport de l’Unicef sur les mutilations génitales, publié en juillet 2013, sont sans appel : au Mali, la prévalence de l’excision parmi les jeunes filles de 15 à 19 ans est restée quasiment identique à celle des femmes âgées de 45 à 49 ans (avec une prévalence de plus de 88%), alors que presque tous les autres pays enregistrent un recul très significatif de la prévalence entre ces deux générations de femmes.
Le Kenya et le Burkina Faso, champions d’Afrique de la lutte contre l’excision
Les politiques couronnées de succès, précise Emmanuelle Roussiot, sont celles qui allient le volontarisme législatif et une intense coopération avec tous les acteurs de la société. D’après le collectif Excision, parlons-en, qui se définit comme une plate-forme d’information sur les mutilations génitales en France et dans les pays francophones, la bataille contre l’excision se gagne après un intense lobbying, village par village. Le plus souvent, la sensibilisation des habitants et des décideurs locaux ne s’opère pas exclusivement sur le sujet des mutilations des fillettes, mais après un diagnostic complet des problématiques socio-culturelles locales, de l’accès à l’éducation aux problèmes d’emploi et de santé publique, sans oublier les droits de la femme.
>> Lire aussi : Après 10 ans de lutte contre l’excision, où en est l’Afrique ?
Après douze années de lutte contre l’excision, il est possible d’identifier les bons élèves du continent africain en la matière. Au Kenya, qui n’a aboli cette pratique qu’en 2001, le pourcentage de femmes excisées a été divisé par trois en une génération, grâce, notamment à "une forte implication des hommes kényans, qui se sont associés aux femmes pour mieux véhiculer le message de rejet des mutilations génitales", analyse Emmanuelle Roussiot. Désormais, seules 15% des Kényanes de 15 à 19 ans sont excisées, contre 49% pour la génération précédente, selon les dernières estimations de l’Unicef.
En Afrique francophone, le Burkina Faso est l’un des champions de la lutte contre l’excision. En une génération, grâce au volontarisme de l’État et aux incessantes actions de sensibilisation, les mutilations génitales sont en très net recul : alors que près de 9 femmes burkinabè de plus de 45 ans sur 10 sont excisées, la proportion chute à 58% pour les adolescentes entre 15 et 19 ans, et à moins de 15% pour les filles de moins de 13 ans. C’est la plus forte baisse en Afrique de l’Ouest, même si la bataille pour une éradication totale de l’excision est loin d’y être terminée.
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Jean-Michel Hauteville
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