Football africain : tout pour le buzz

Déclarations prétentieuses, délires capillaires, frasques extrasportives ou outrances financières, ce sont toujours les footballeurs qui alimentent les débats sportifs sur le continent.

L’oeil de Glez. © Glez

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Publié le 5 février 2014 Lecture : 3 minutes.

Qui, en Afrique, à quelques heures de l’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi, s’intéresse aux chances de médailles du skieur zimbabwéen Luke Steyn ? "Les chances de qui  ?" Si le continent de la canicule envoie courageusement quatre délégations aux "compétitions du froid", le public sportif africain s’intéresse essentiellement aux jongleurs de ballon rond. Les skieurs auront beau transpirer sous leur combinaison, c’est la dernière coiffure extravagante d’un "footeux" qui fera le buzz…

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L’Italien aux racines ghanéennes Mario Balotelli ne s’y est pas trompé. En début de semaine, sur son compte Twitter, l’attaquant de l’AC Milan a dévoilé sa nouvelle coupe dès le salon de coiffure : une crête presque classique agrémentée de symboles tribaux sur les côtés du crâne. Comme d’habitude, le surréalisme du modèle n’aura d’égal que son absence de pérennité. Périmer régulièrement son look, c’est la meilleure manière d’irriter les journaux people paresseux. Alors, on rase, on laisse pousser, on sculpte, on peigne, on teint et on déteint…

Sur les réseaux sociaux, les variations capillaires des joueurs constituent un véritable feuilleton.

Sur les réseaux sociaux, les variations capillaires des joueurs constituent un véritable feuilleton. Les "footeux" africains sont devenus les stars qui inspirent les "story tellers". Ceux d’une téléréalité à la sauce web, mais aussi ceux de la fiction. Pendant les Jeux, ce n’est pas l’histoire d’un skieur sans neige qui inspire les cinéastes, mais bien le joueur du sport roi, comme en témoigne la sortie du long métrage "Les rayures du zèbre" où l’on voir un dénommé Yaya devenir la supposée poule aux œufs d’or d’un agent belge de footballeurs. Même quand l’humoriste camerounais Thomas N’Gijol veut faire un happening humoristico-sportif, c’est en mettant en scène son vrai-faux transfert au club de Toulouse…

Foot, buzz et charité

Il faut reconnaître que les footballeurs savent être flamboyants sans se faire prier. La modestie d’un patineur artistique n’alimentera jamais autant le buzz que les déclarations mégalomanes de Samuel Eto’o, l’international qui parle de lui à la troisième personne, comme le philosophe grec Xénophon et l’empereur romain Jules César. Le Camerounais aux mollets musclés et aux chevilles enflées déclarait, dans une interview récente : "Je n’ai rien à montrer, je suis Samuel Eto’o". Premier degré ? Sans doute, même si le capitaine des "Lions indomptables" a su faire preuve d’humour et d’admiration pour autrui, le 3 février, en félicitant le joueur Yaya Touré à l’issue du match qui a opposé Manchester city à Chelsea. "Je suis trop fier de toi, fiston !", lança le Camerounais à l’Ivoirien, après avoir menacé de le gifler quand le petit frère tardait à échanger son maillot avec le grand frère. Ouf ! Eto’o peut être drôle. Ce qui n’empêcha pas certains sites internet d’isoler la fausse menace en accroche de leur webpage, histoire d’attiser encore le buzz.

Ouf ! Eto’o peut être drôle.

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Avec mauvais caractère ou pas, les stars du ballon rond n’échappent pas aux critiques. Prétentieux ? Futiles ? Volages ? Tout cela ne serait rien si elles ne gagnaient pas 10 000 ou 20 000 fois le salaire minimum de leurs pays respectifs. Dans l’esprit de l’Africain moyen confronté à l’annonce de ces salaires mirobolants, cohabitent admiration et indignation. Lorsqu’il était au club daghestanais de l’Anji Makhatchkala, Eto’o –qui, lui, arrivait à attirer les regards africains sur la Russie– était le joueur le mieux rémunéré du monde, avec 20 millions d’euros annuels hors primes. Une somme à se faire "pardonner" en investissant au Cameroun.

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Est-ce aussi pour s’excuser de gagner une fortune souvent dilapidée en futilités que le fantasque Mario Balotelli, autrefois laissé par ses géniteurs africains à des parents nourriciers italiens, aime rappeler qu’il donne 50% de son salaire aux enfants d’Afrique ?

Même lorsqu’un richissime sportif déploie des investissements à but très personnellement lucratif, il ne rechigne pas à invoquer son patriotisme. En janvier dernier, l’international ivoirien de Galatasaray, Didier Drogba, devenait propriétaire de 5% de la Société des mines d’Ity, parts cédées par l’État ivoirien. Déjà présent dans l’immobilier ou le textile, il est présenté comme un "héros" entrepreneurial par les représentants du gouvernement.

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Damien Glez

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